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MARINE LE PEN ET LA FARCE DE « L’EXTRÊME DROITE »

Il faut commencer par dégonfler le mythe. Une fois ramené à des proportions normales, l’épisode révèle à quel point le peuple dans son ensemble se défiait du pouvoir, et à quel point la gauche sut instrumentaliser à son profit la répression inutilement sanglante.

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MARINE LE PEN ET LA FARCE DE « L’EXTRÊME DROITE »

La résistance obstinée du milieu médiatico- politique à la dédiabolisation de Marine Le Pen et du Rassemblement National a continué à s’articuler ces dernières années autour du maintien à leur égard du qualificatif voulu infamant d’“Extrême Droite”, sans cesse étendu et dilaté par amalgames et glissements de sens successifs à des opinions si peu que ce soit contraires à l’idéologie dominante afin de les assimiler aux valeurs incarnées par les fascismes d’avant-guerre.

Le récent adoubement de Marine Le Pen par Serge et Arno Klarsfeld, Gilles-William Goldnadel et feu Robert Badinter (entre autres voix éminentes de la communauté juive), consécutif à son spectaculaire soutien sans réserves à Israël dans l’actuelle guerre en Palestine, est-il de nature à laver définitivement celle-ci et, partant, le Rassemblement national, du péché capital d’antisémitisme, critère ultime pour les médias mainstream d’appartenance à l’“Extrême Droite” ? Et, partant, de sa classification à l’“Extrême Droite” elle-même ?

Canada Dry

L’on peut légitimement en douter. Tout d’abord parce que cette disculpation n’est nullement partagée par nombre d’institutions représentatives de la communauté juive, et notamment par le CRIF, qui n’ont vu dans ce soutien qu’une démarche purement tactique et insincère. Ensuite parce que la plupart des médias et la majorité de la classe politique ont persisté dans la classification convenue, notamment par l’utilisation cauteleuse du nom Front National pour parler du Rassemblement national, tentant de maintenir ainsi l’irrémissible marque au fer rouge de génération en génération. Enfin parce qu’il y a belle lurette que l’antisémitisme n’est plus un attribut idéologique de l’“Extrême Droite” , ainsi qu’en atteste le philosémitisme ou le sionisme de tous les mouvements européens classés à tort ou à raison à l’ “Extrême Droite” (à l’exception de l’Aube Dorée en Grèce) ou affublés de la commode et insignifiante étiquette populiste.

Mais au-delà du prisme déformant de l’antisémitisme, réel ou fantasmé, comme critère de classification politique, et de l’utilisation de l’“Extrême Droite” comme leurre polémique – qui masque mal un concept idéologiquement vide de sens tant il vise à ranger sous la même bannière des idées totalement hétérogènes ou contradictoires sur les plans spirituel, politique, moral ou économique –, on est conduit à s’interroger sur la légitimité du qualificatif utilisé au préjudice de Marine Le Pen et du RN. Or, sous aucun aspect, idéologique ou personnel, il n’est sérieusement honnête de prétendre identifier chez Marine Le Pen un faisceau de thèmes relevant d’une typologie d’“Extrême Droite”.

Politiquement, son jacobinisme, sa vision des Institutions, notamment le recours récurrent au référendum, son approche géopolitique d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural, sa position vis à vis de l’OTAN et son adhésion aux principes de la laïcité, en font une gaulliste chimiquement pure là ou ceux qui s’en sont prétendus les héritiers, de Chirac à Sarkozy et à leurs successeurs autolabellisés, en avaient dénaturé la lettre et l’esprit.

Par ailleurs, au regard du marqueur aujourd’hui majeur de l’identité et de l’immigration, son ambition limitée à son « freinage drastique », son hostilité à toute remigration de masse, son refus d’admettre la réalité voire le concept même du Grand Remplacement, sa vision assimilationniste font de son programme un “Canada Dry” de celui du RPR des années 80 et, en tout état de cause, ne déroge nullement à un credo républicain classique. Quant au clivage « patriotes versus mondialistes », estimé comme la caractéristique majeure de son idéologie, il a sans conteste été conceptualisé par des philosophes ou des écrivains de gauche comme de droite non conformistes issus du monde européen comme anglo-saxon et ne peut être regardé comme spécifiquement d’“Extrême Droite”.

Lionel Jospin avait raison

Enfin, son positionnement revendiqué sur l’échiquier politique du « Ni Droite ni Gauche » ou plus exactement « Et Droite et Gauche » versus l’union des Droites, considéré par certains historiens comme caractéristique d’une idéologie fasciste, n’apparaît aucunement comme un critère pertinent de classification : il a été adopté historiquement par de nombreux mouvements politiques pleinement démocrates, et au premier chef par le gaullisme, et il constitue aujourd’hui la position centrale du macronisme, même s’il ne puise pas les mêmes idées dans chacun des camps ab initio antagonistes.

Économiquement, les mesures qu’elle préconise ne se distinguent en rien de celles de l’État Providence et relèvent d’un volontarisme de gauche et d’une hostilité au Marché que lui reprochent farouchement la Droite conservatrice comme la Droite libérale.

Sociétalement, ou si l’on préfère sur le plan des fameuses « valeurs », son hostilité à la peine de mort, son refus maintes fois affirmé de ne remettre en cause ni la loi sur le mariage homosexuel, ni celle sur l’avortement, dont elle vient de voter la constitutionnalisation, non plus que celle autorisant la PMA, signe définitivement une “normalité” aux antipodes d’une révolution morale d’“Extrême Droite”.

Et plus encore sa complète indifférence à toute remise en cause des lois mémorielles ou du bloc de législation antiraciste édifié depuis 50 ans à partir de la loi Pleven. Personnellement, ni sa formation intellectuelle, nonobstant sa filiation, ni ses goûts, ni ses répulsions, ni sa façon de vivre, ni ses amitiés, ni sa vision de l’histoire et de la littérature ne révèlent une fibre extrémiste. C’est donc à juste titre que le philosophe de gauche non conformiste Marcel Gauchet a pu déclarer à son propos et à celui du RN que ceux-ci n’avaient plus rien d’“Extrême Droite”, ou qu’il s’agissait d’une “Extrême Droite” n’ayant plus rien à voir avec l’ancienne.

Et pour qui préférerait considérer les actes plutôt que les paroles, il convient de souligner l’épuration farouche, auquel le monde politico-médiatique est peu sensible, à laquelle Marine Le Pen s’est livrée depuis plus de dix ans au sein du Front National puis du Rassemblement National, éliminant tout élément militant ou tout cadre véhiculant ou simplement suspect de véhiculer des attitudes ou des idées évoquant de près ou de loin des thèmes réputés d’“Extrême Droite”, ce qui lui vaut au demeurant la haine des revues revendiquant cette étiquette.

Ainsi, ceux qui préfèrent l’honnêteté intellectuelle aux anathèmes diabolisants ont d’autres critères de jugement de ses idées réelles et de son action politique qu’une imputation disqualifiante qui ne relève à l’analyse que d’une scène médiocre du « théâtre antifasciste » jadis dénoncé avec une perspicace honnêteté par Lionel Jospin, peu suspect d’aveuglement ou de complaisance à son égard.

 

Illustration : Une ambition présidentielle qui a amené à de nombreux renoncements.

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