Editoriaux
Cierges et ministres
Il y a une semaine à peine, une grave question agitait le monde politique : qui allaient être les ministres délégués aux Personnes en situation de handicap et aux Anciens combattants ?
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Macron a joué de tous les ressorts de l’opinion pour capter les voix grâce aux médias, mais, du coup, le voilà devant un nœud de contradictions.
Après un coup d’État médiatico-judiciaire et une élection aux allures de plébiscite, voilà Macron en chute accélérée dans les sondages ; il fait « pire » que Hollande, (36% contre 46% d’opinions favorables), en cent jours, comment est-ce possible ? Rien de plus prévisible : il faut se souvenir, en effet, qu’il a été élu sur un malentendu ; les électeurs en avaient assez des appareils traditionnels. Les envoyer à la retraite impliquait à l’évidence que le nouvel élu fît autrement ; pour l’heure, il leur ressemble, pourtant, comme un frère. Enfin les députés d’En Marche, quoique nombreux, ont été élus, en réalité, par un petit nombre d’inscrits. Cependant, rien ne semble mettre un frein à la sécession de l’Autre France ; elle n’habite pas le même pays que M. Macron.
Il a réussi un « dégagisme » espéré par le peuple, mais le « dégagisme » n’améliore en rien son sort et comporte, d’ailleurs, des effets pervers, par exemple le non-cumul des mandats conduit à éliminer les maires de la représentation nationale. L’éloignement d’avec la France des « périphéries » s’en trouvera accru. Bercy et l’énarchie règnent en maîtres ; Macron ne réforme pas, il accomplit le système en le conformant aux exigences de Bruxelles et de … Berlin. Ainsi donc l’on peut s’interroger sur les réformes économiques en cours, des réformettes plutôt ; mais d’enjeux civilisationnels, identitaires, sécuritaires, patrimoniaux, souverainistes, nationaux, familiaux, point ! Autant de réalités quasiment absentes de la pensée du chef de l’État qui ont été pourtant au coeur de la campagne et sont dans l’actualité mondiale et européenne. Ainsi serait-on tenté de dire comme Bainville : « Il est trop mou pour ce qu’il a de dur et trop dur pour ce qu’il a de mou ».
La fermeté du ton seule ne fait ni Jupiter ni Bonaparte. La Ve République a, par nature, personnalisé l’exécutif, ce que Macron a su mettre en scène lors de sa victoire du 7 mai. Le contrôle de ses collaborateurs et le silence imposé, s’ils tranchent heureusement avec les misérables bavardages de Hollande, visent essentiellement à la concentration des pouvoirs sur sa personne. Pour l’opinion, cela signifie que le redressement de la France, auquel elle aspire par-delà les partis, dépend de lui seul. Ce faisant, il s’expose dangereusement, ainsi dépourvu du fusible que pouvait constituer le Premier ministre. Edouard Philippe fait, tel le fâcheux Ayrault naguère, assez pâle figure auprès de lui.
Ainsi dans l’affaire de Villiers, le président de la République aura pris de plein fouet la crise induite par les coupes budgétaires de la défense. Elles pouvaient être gérées par le Premier ministre et par Lemaire et Darmanin issus des rangs des Républicains. Une façon de leur faire porter le chapeau et de lui éviter de rappeler puérilement que c’était lui le patron.
Il n’a pas été épargné non plus par les affaires qui font penser aux pratiques antérieures qu’il récusait dans sa campagne tandis que les motifs d’éviction de Fillon se révèlent moins peccamineux que ceux des collaborateurs de Macron. Cinq de ses ministres ont été mis en examen ou écartés : Bayrou, Sarnez, Goulard, Ferrand et Pénicaud, tandis que les autres issus de la société civile demeurent inconnus de l’opinion ; seul Jean-Michel Blanquer tranche et semble vouloir s’affranchir du pédagogisme et de l’égalitarisme qui tuent l’Éducation nationale. Et ne parlons pas des députés LREM, incompétents, piètres orateurs, totalement dans la main des fonctionnaires, bref un parlement croupion, qui aura du mal à redonner quelque lustre à la fonction déjà bien dépréciée. Aussi la loi de moralisation de la vie politique apparaît pour ce qu’elle est une fausse bonne réforme. Bien sûr, les emplois familiaux seront interdits aux députés, la réserve parlementaire supprimée et les factures de ces mêmes députés désormais épluchés, tout cela peut satisfaire à bon compte l’antiparlementarisme, mais pas de grand dessein, pas de réflexion profonde sur la représentation, sur le vote de la loi et l’examen du budget ; ce sera de l’intendance tout au plus. Quant à la sociologie des députés, en dehors des socialistes et des républicains « passés à l’ennemi », on ne connaît guère leurs idées : de bons sentiments, un zeste de sociétal, une pincée d’écologie bon teint, c’est la marche des Béotiens !
Pour ce qui est de l’autre grande réforme en cours, elle est conduite par Murielle Pénicaud, un ministre sous le coup d’une information judiciaire pour « favoritisme et recel de favoritisme ». La réforme est pourtant nécessaire ; le code du travail est une monstruosité à la française. Le problème pour Macron, qui a toujours défendu l’entreprise, il faut le lui reconnaître, c’est que « la branche » – et donc les accords de branche – sauve les syndicats sous-représentatifs (taux de syndicalisation 7%). Alors, le véritable enjeu est de savoir si la négociation en « entreprise » est possible sans « les branches », c’est-à-dire sans les syndicats, donc sans la rue et sans la grève. Si Macron réussit, il faudra l’en créditer ; dans le cas contraire ce sera El Khomri 2.
Quant à l’augmentation de la CSG, elle constitue une augmentation des impôts, contrairement à l’annonce de campagne, et se présente comme un tour de passe-passe budgétaire concocté par Bercy. Cette augmentation sera effective au 1er janvier 2018 tandis que les cotisations sociales salariales n’auront pas encore été supprimées. Le résultat remplira les caisses de l’État et permettra, peut-être, d’atteindre la réduction symbolique du déficit public à 3%. Un misérable jeu de bonneteau pour faire plaisir à la marâtre germanique ! Et que dire de la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des ménages ? Simplement qu’il faudra désormais marteler au fronton des mairies le mot égalité, vu que, dans certaines communes, seul un très petit nombre des habitants la paieront. Alors qu’il s’agit de l’impôt le plus juste comme contribution au lien social de proximité, sans compter le problème qui est posé désormais aux maires pour boucler leur budget.
Dans le domaine social, Macron prétend revenir sur le statut des travailleurs détachés, mais comment agir avec les deux pays « fournisseurs », le Portugal et la Pologne. Pour régler ses comptes avec la Pologne, il déclare « qu’elle tourne le dos aux valeurs européennes » ; le propos est particulièrement maladroit, car la Pologne se refuse à accueillir la déferlante migratoire ; en conséquence, elle ne subit pas les attentats. Le syllogisme est donc aisé pour l’opinion : tourner le dos aux prétendues « valeurs européennes », c’est se préserver des attentats.
Macron poursuit, d’autre part, la chimère d’une fiscalité et d’un budget européens communs, alors qu’il ne peut ignorer que les Allemands eux-mêmes n’en veulent pas. Un budget commun, c’est une péréquation, dont le triste feuilleton grec a démontré l’inanité. Pourquoi l’Allemagne paierait-elle pour des Grecs qui prennent leur retraite dix ans avant eux ? Pourquoi demain le Brandebourg paierait-il pour la Corrèze ? Et puisqu’il s’agit de l’Europe, quand nous avons un déficit de 34 milliards d’euros pour un semestre, les Allemands ont un excédent de 120 milliards, et les Pays-Bas, l’Italie, l’Espagne, l’Irlande, la Belgique, la Tchéquie, la Hongrie, la Pologne ou la Slovénie sont tous excédentaires. En 2015, la zone euro dégageait un excédent de 246 milliards d’euros. L’euro n’explique pas tout : les maux structurels de l’économie française, si.
Mais dès lors qu’on entre dans le dur, le régalien, que ce soit la déferlante migratoire, l’espace Schengen, le naufrage de l’Europe, l’impuissance des élites européennes, leur incapacité à répondre au défi de la survie de ses peuples et de sa civilisation, l’insécurité et les attentats islamistes, le président semble frappé de lobotomie. Sa formation de banquier et d’énarque lui interdit de considérer d’autre réalité que la décision gestionnaire, fût-elle réformatrice. Ainsi, en Afrique, il ne veut régler en amont que des problèmes d’administration, non les causes politiques, ce qui serait le vrai courage. Il est, à l’instar de la classe politique, frappé du déni de réalité.
D’aucuns ont voulu voir en lui un Bonaparte, « Déjà… sous Bonaparte… ». Mais qui voit-on percer au juste ? Encore faudrait-il qu’il réussît ce pour quoi il était destiné : rétablir les finances de la France. Rappelons-lui que le très oublié Martin Gaudin, ministre des Finances de Bonaparte, puis de Napoléon, en l’an X (1802), présenta le premier budget en équilibre qu’ait connu la France depuis longtemps. Notre Bonaparte, président de la République, y parviendra-t-il ?