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Le grand désordre public : retour sur une gestion calamiteuse

Gérer l’ordre public est une lourde tâche confiée au politique. Une récente polémique a rappelé les risques d’une gestion brouillonne, guidée par les quitus de la gauche.

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Le grand désordre public : retour sur une gestion calamiteuse

Nous sommes le 6 mai dernier : une manifestation en plein Paris, qui vise à rendre hommage à Sébastien Deyzieu, ce militant nationaliste révolutionnaire décédé le 9 mai 1994 à la suite d’une poursuite par des policiers, défraye la chronique. Une image, qui montre un individu masqué et des croix celtiques, fait le tour des chaînes d’info et agite le Landernau médiatique. Pour une gauche qui sort de l’épisode agité des manifestations contre la réforme des retraites, c’est l’occasion idéale de dénoncer « deux poids, deux mesures » : la police a tapé sur « ses » manifestants, forcément vertueux, mais elle laisse se dérouler un rassemblement qui-rappelle-les-heures-les-plus-sombres – qui n’a pourtant pas suscité de violences. Tel Salomé demandant la tête de Jean le Baptiste, la gauche accuse l’État de complaisance avec l’« ultradroite » et réclame des interdictions. Le pouvoir se soumet et promet qu’il sévira contre tout ce qui émane de cette mouvance, dont le fameux défilé organisé par l’Action française, prévu le 14 mai 2023. C’est bien l’extrême-gauche qui donne le la, au point que la Jeune garde – une nouvelle organisation de la mouvance « antifa » – se réjouit de voir le ministre de l’Intérieur obtempérer. À ce moment, personne n’interroge ceux qui ont défini le curseur de la liberté d’expression : les Insoumis et les chaînes d’information. Pas même la droite ou Marine Le Pen ne se sont interrogés sur les atteintes annoncées à la liberté d’expression. Il faudra juste attendre une tribune de Libération, publiée après les décisions du juge administratif, pour reconnaître que les fondements étaient douteux et que la gauche aurait tort de se réjouir de raisonnements qui pourraient être utilisés par des populistes au pouvoir. Une pseudo-affaire montée en épingle par l’extrême-gauche et dans laquelle le pouvoir a cédé, obnubilé par une photo polémique : voilà le contexte du premier « round ».

Le préfet de police promet des victimes

Après les tambours de la gauche demandant des têtes, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, sonne à son tour le tocsin : il s’engage dans une interdiction des manifestations et surtout du colloque (!) de l’Action française pour sévir contre l’« ultradroite », que personne ne définit au passage. Le raisonnement des arrêtés préfectoraux du 12 mai interdisant le colloque et le défilé du 14 est carabiné : il s’appuie sur des risques de heurts. D’abord avec le groupe Les Nationalistes d’Yvan Benedetti, qui défile quasiment en même temps ; son cortège devant partir une demi-heure après celui de l’Action française. Selon l’arrêté, « il existe des risques que cette proximité entraîne des heurts entre les deux mouvements ». Mais ce sont surtout des risques de heurts avec l’extrême-gauche qui sont invoqués pour justifier l’interdiction du défilé d’Action française et le colloque. Des heurts non tant avec l’Action française qu’avec Les Nationalistes. Conclusion : il faut donc interdire le défilé d’une mouvance tierce ! Quant au colloque de l’Action française, il s’inscrit dans un « contexte particulièrement tendu à la suite de la polémique suscitée par la manifestation organisée à Paris par le Comité du 9 Mai ». Le préfet prend prétexte d’une « mobilisation croissante chez le opposants » et craint « une escalade d’initiatives menant à des violences et des troubles graves de l’ordre public ». L’arrêté invoque des tags gauchistes sur le mur du cimetière près de l’Espace Charenton où se tiendra le colloque… Une contre-manifestation est prévue aux abords de ce dernier. Mais entre-temps, le pouvoir fait quand même comprendre que c’est au juge administratif que reviendra le soin de se prononcer sur les interdictions. Dans notre État de droit, une interdiction préfectorale peut en effet être contestée devant le juge administratif. Saisi d’une demande de référé, le tribunal administratif donnera une véritable leçon de géographie parisienne au préfet de police : la manifestation de gauche doit avoir lieu à 600 mètres de l’Espace Charenton, donc dans une rue suffisamment éloignée du colloque. Le déploiement des forces de police permettrait d’éviter des heurts – qui n’ont effectivement pas eu lieu. Quant au défilé, il s’est déroulé paisiblement et on n’a pas vu ni même entendu l’extrême-gauche.

Vouloir le retour du roi ne suffit pas à caractériser un trouble à l’ordre public

Il n’y a donc pas eu de troubles à l’ordre public, et ils n’étaient pas même à craindre, mais le préfet de police s’appuie sur les idées de l’Action française pour y voir un risque de trouble et même une atteinte à l’ordre public en s’appuyant notamment sur sa conception immatérielle. En effet, dans le droit fil de la jurisprudence Commune de Morsang-sur-Orge, il est possible d’interdire une réunion ou une manifestation ne créant pas de troubles matériels à l’ordre public dès lors qu’il y a atteinte au respect de la dignité de la personne humaine, comme pouvait l’être, dans cette affaire pittoresque jugée en 1995, un spectacle de lancer de nain (!).

Vouloir la restauration de la monarchie ne suffit pas à générer un trouble à l’ordre public.

Au nom de cette conception, il deviendrait possible d’appliquer un quitus « républicain » : ce que fit le préfet de police en s’appuyant sur le manifeste de l’Action française pour justifier l’interdiction du défilé prévu le 14 mai 2023. Mais, pour le juge administratif, le manifeste « ne constitue pas une incitation à provoquer des troubles à l’ordre public, même en tenant compte du contexte de tensions sociales actuelles ». Vouloir la restauration de la monarchie ne suffit pas à générer un trouble à l’ordre public, ni même à révéler une atteinte au respect de la dignité humaine à la différence, par exemple, d’une réunion organisée par un imam salafiste notoirement misogyne.

Une curieuse conception de l’ordre public fondée sur un délit d’opinion

Dans l’arrêté d’interdiction du colloque, le préfet soutenait également une étrange atteinte à l’ordre public en invoquant des « thématiques […] susceptibles de générer des propos de nature à mettre en cause les principes consacrés par la Déclaration des droits de l’homme ». Autrement dit, la mise en cause des droits de l’homme vaudrait trouble de l’ordre public. Or une manifestation ne peut être interdite que parce qu’il y a des risques d’atteinte à l’ordre public au sens matériel (des risques de violence physique, par exemple). On pourrait toujours interdire un rassemblement au nom du respect de la dignité humaine, mais cela supposerait des idées ou des actions qui choquent la conscience humaine (la défense du meurtre ou de l’inceste, par exemple). Ce qui n’est pas le cas d’un débat sur les fondements du régime républicain ! On mesure la régression scandaleuse qui érige la critique des droits de l’homme en délit d’opinion. Des juristes aux thomistes en passant par les marxistes, ils sont nombreux à refuser de « totémiser » la Déclaration de 1789. Une telle démarche relève de la liberté de conscience, de la liberté d’expression et du libre débat académique. Pas d’une volonté de jeter des pavés ! Autre bêtise préfectorale : affirmer que les thématiques du colloque sont susceptibles d’« inciter à la haine ou à la discrimination ». Quand on connaît la prudence de l’Action française sur l’immigration, aux positions différentes de celles du RN ou de Génération identitaire, on s’interroge sur le degré d’inculture politique en haut-lieu. Dans les années 1980, même un antiraciste authentique et reconnu comme Pierre-André Taguieff pouvait distinguer le royalisme de l’Action française du populisme électoral du FN.

La critique virulente des institutions ne vaut pas haine raciale

On comprend le malin plaisir du juge administratif qui, dans le cadre de cet autre référé-liberté rendu le 13 mai dernier (TA Paris, ord., 13 mai 2023, Association RESTAURATION NATIONALE), rappelle que les opinions « susceptibles d’être exprimées » sur « la position de la France dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine, la politique migratoire de la France, les conséquences des crises en Afrique pour la France […] comporteront probablement une critique virulente du pouvoir et des institutions », mais que « toutefois, ces seuls éléments ne suffisent pas à établir qu’à l’occasion de ce colloque annuel […] un risque suffisamment certain que soient tenus des propos pouvant être regardés comme provoquant à la haine et à la discrimination en méconnaissance des principes consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine ». Le juge a tout simplement reconnu que l’on restait dans une polémique habituelle, rude mais pas haineuse. En matière de virulence, on a quand même connu pire avec les débats qui ont couramment lieu à l’Assemblée nationale !

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