Elias d’Imzalene, qui appelait dans une manifestation parisienne à mener l’Intifada en France, est passé en jugement.
Des figures de la France Insoumise, comme la députée Ersilia Soudais ou des associations de la gauche radicale comme les Soulèvements de la Terre, lui apportent leur soutien. Cela pourrait n’être qu’un épisode de plus des engagements propalestiniens radicaux de la France Insoumise, flirtant souvent avec l’antisémitisme (par exemple la députée européenne Rima Hassan reprend la théorie antisémite des juifs descendants des khazars).
Mais Elias d’Imzalene n’est pas qu’un militant propalestinien : c’est un vieux routier du salafisme français avec son site islametinfo.fr. Adepte du mouvementisme, c’est-à-dire qu’il se joint à toutes les mobilisations populaires, même quand elles sont a priori assez éloignées de son idéologie, pour faire connaître ses idées et recruter des partisans, n’hésitant pas à cultiver depuis longtemps des liens avec la gauche radicale (celle du très militant agitateur Taha Bouhafs, par exemple), sa radicalité est palpable. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les articles de son site (même s’il a été toiletté) il y a dix ans : le 24 décembre 2016, il reprochait au Premier ministre Bernard Cazeneuve de « fêter Noël avec les chrétiens d’Orient », évidente atteinte à une laïcité à géométrie variable qui n’est bien sûr qu’un instrument d’oppression des musulmans ; en octobre 2014, dans son commentaire des affrontements entre minorités étrangères en Allemagne, on décelait une étrange vision du conflit syrien. Elias d’Imzalene parle des « djihadistes occidentaux soutenant les Kurdes » (qui combattaient contre l’État Islamique) et critique les Yézidis (qui subissaient un génocide) et les chrétiens d’Orient (qui subissaient en Irak une épuration ethnique). Il réussit à traiter abondamment des conflits en Irak et en Syrie sans jamais évoquer les crimes de l’Organisation État Islamique, qu’il ne soutient pas, mais qu’il ne voit clairement pas comme un groupe génocidaire. Sa vision politique est très claire : il est favorable à une théopolitique fondamentaliste et sa propre ligne est de lutter contre tout ce qui entrave l’expansion de l’islam.
La France Insoumise cible un électorat arabe/musulman
Cela pourrait être une preuve de l’islamo-gauchisme de La France Insoumise mais l’histoire est plus compliquée. En effet, Elias d’Imzalene n’est pas « gauchiste ». Si la France Insoumise cible clairement un électorat arabe/musulman dans une logique communautaire assumée, elle ne le cible pas sur une ligne islamiste. Il serait plus juste de dire que LFI fonctionne sur une logique de parti communautaire (en tout cas pour l’une de ses bases électorales) s’adressant à l’électorat arabe/musulman sans promouvoir en son sein les figures les plus islamistes : aucun des députés LFI – n’est islamiste (et ceux le plus proche des islamistes ne sont pas forcément issus de l’immigration de culture musulmane). Mais, et c’est ce que démontre le cas d’Elias d’Imzalene, sans non plus mettre une ligne rouge entre le parti et les islamistes, y compris pour des personnalités assurant le service après-vente du génocide des Yézidis. Une telle évolution explique d’ailleurs en partie la focalisation de LFI sur le conflit israélo-palestinien vu comme un plus petit dénominateur commun pour l’électorat arabe/musulman se définissant en termes communautaires (ce qui peut se combiner avec des clivages très marqués sur la définition de ladite communauté).
Une telle logique n’est pas sans risques. Certes, elle existe dans bien des démocraties (on pourrait d’ailleurs réfléchir à la manière dont le processus démocratique a un effet pervers à ce niveau). Mais, dans le cas de la stratégie de LFI, le parti joue un jeu dangereux avec des “alliés” ou des “compagnons de route” qui pour certains sont des forces idéologiques structurées et puissantes. Au niveau mondial, l’islamisme est un courant idéologique théopolitique ayant une influence considérable sur nombre de pays à majorité musulmane. La diversité réelle des mouvements islamistes (aussi bien dans leurs méthodes que dans leur vision du monde) ne remet pas en question cette influence ni cette puissance : toute idéologie à succès intègre une forte part de diversité interne. L’alliance de fait que recherche et entretient LFI se fait donc avec des courants islamistes qui trouvent dans LFI un parfait véhicule d’apprentissage de la grammaire politique en même temps qu’ils enferment un des partis importants français sur les questions de politique internationale. On peut d’ailleurs se demander si, à terme, cela ne risque pas de créer des tensions internes à LFI, les islamistes goûtant peu son progressisme sociétal ni, dans le cas qui nous occupe, son soutien aux Kurdes. Bref, deux lignes sont sûrement déjà en train de s’affronter, une partie des militants LFI ayant déjà dénoncé l’entrisme islamique, se faisant d’ailleurs évincer du parti.