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De la violence comme état de nature sociale

En partant de Hobbes…

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De la violence comme état de nature sociale

Il existe deux violences : l’une, d’État, tournée vers la conservation de l’Un poussée jusqu’à l’indifférence au Tout, l’autre, privée, tournée vers la conservation de soi ou de quelques-uns jusqu’au mépris du Tout comme de l’Un. Les deux sont universelles ; la première est holiste, la seconde proprement égoïste. L’une et l’autre sont guettées par la pleonexia, cette propension innée à la convoitise, si bien décrite par Aristote, qui rongea, jadis, la démocratie grecque décadente et que Hobbes traduira par ce fameux apophtegme emprunté à Plaute : l’homme est un loup pour l’homme. La question de la violence en philosophie politique soulève plusieurs problèmes dont celui de sa justification. Elle se déploie dans une double dialectique tenant, d’une part dans le rapport légalité/légitimité, d’autre part dans la relation gouvernés/gouvernants. En outre, dans ce contexte, elle implique d’examiner une notion voisine, le droit de résistance ou de rébellion à l’autorité légitime – précisément lorsque celle-ci n’est plus supposée l’être. Le second épisode de guérilla urbaine qui ensauvagea notre pays, alors que les Français s’apprêtaient à accomplir leurs habituelles transhumances estivales, révéla l’ampleur d’une partition sociale à la profondeur insoupçonnée, quand bien même avait-elle été sociologiquement sondée, çà et là, par des observateurs avisés. En 2019, Jérôme Fourquet dressait le diagnostic aussi fascinant qu’effarant de l’« archipélisation » de la société française (L’Archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée, Seuil). La société n’est plus organisée autour de la recherche du bien commun ; elle est anarchiquement travaillée par des appétits particuliers contradictoires et insatiables, chacun n’étant plus égoïstement préoccupé que par la satisfaction frénétique et immédiate de ses besoins comme de ses désirs sans nulle hiérarchisation entre eux. Le libéralisme économique, culturel et sociétal si fièrement revendiqué par les sociétés démocratiques occidentales induit pourtant des déséquilibres anthropologiques majeurs, l’homme ne devenant plus trivialement que la mesure de ce qu’il consomme.

Assurer sa sécurité en se plaçant sous la protection de l’État

Pour bien comprendre ce bouleversement copernicien, il importe de relire Thomas Hobbes (1588-1679), père du contractualisme politique, dont la moindre ironie n’est pas que sa doctrine fût celle dans laquelle l’utilitarisme occupe une place fondamentale puisque la prospérité d’Homo œconomicus y est conditionnée par les aliénations de ses droits, qu’il tiendrait originellement de nature, préalablement consenties par son alter ego, Homo politicus, entre les mains paternalistes et censément bienveillantes de Léviathan. L’on a pu se méprendre, tout d’abord, sur l’hypothèse purement philosophique de l’état de nature, ce stade anhistorique de pure barbarie précédant l’état dit de société, policé et civilisé. Convaincu, à la différence de Descartes, que la nature de l’homme est, comme toute chose dans l’univers, le résultat d’un double mouvement vital et volontaire (« la nature de l’homme est la somme de ses facultés naturelles, telles que la nutrition, le mouvement, la génération, la sensibilité, la raison, etc. » – là où son contemporain français défendait la dualité matérielle et spirituelle de l’homme), l’Anglais, tout à son tropisme mécaniciste, ne concevait ce dernier que sous l’emprise de ses passions (désir et dégoût), lesquelles jouent, chez lui, un rôle identique à l’instinct de conservation chez les animaux ; chez l’homme, cet instinct se nomme l’égoïsme. À partir de là, nous nous inscrivons en faux par rapport à Hobbes qui réfutait le zoon politikon d’Aristote et considérons que l’état de société ne serait que l’état normal, c’est-à-dire naturel, de la condition politique de l’homme. Son égoïsme, qui le ramène à l’état de nature, ne serait que le symptôme de la déliquescence de l’état de société. Le conflit, mû par la convoitise, la peur ou la vanité, y est latent ; en ce sens, adossé à l’État-Léviathan, l’état de société se définit comme une lutte constante contre le retour de l’entropique « bellum omnium contra omnes » de l’état de nature. Cela signifie que l’homme va d’abord chercher à assurer sa sécurité en se plaçant sous la protection de l’État – comme il était de rigueur dans le vieux schème féodal qui voulait que le vassal se mît sous celle de son seigneur. Parce que, comme l’affirme Hobbes, « toute association spontanée naît de la nécessité réciproque ou de l’ambition, mais jamais de l’amour ou de la bienveillance envers les autres », l’instinct humain d’autoconservation prend ici un sens ontologiquement politique, dès l’instant que le consentement de l’homme à « se démettre [du] droit sur toute choses, aussi longtemps qu’il le jugera nécessaire pour la paix et sa propre défense » participe de la définition même du Bien commun. Mais Léviathan peut évidemment faillir ; ici l’on mesure l’indicible fragilité de cet état foncièrement négentropique de société qui peut imperceptiblement basculer dans le chaos entropique de l’état de nature. Ne pouvant garantir sa fin première de maintien de l’ordre social (que traduirait la formule cicéronienne selon laquelle « salus populi suprema lex esto »), Léviathan s’expose à n’être plus obéi et Béhémoth, le spectre de la guerre civile, affute ses cornes. S’instaure le soulèvement du Tout contre l’Un et de tous contre tous, la logique d’accaparement étant poussée à son paroxysme mortel.

 

Illustration : Emeutes de juin en France, la mairie de L’Hay-les-Roses se protège de la violence. Credit:ACCORSINI JEANNE/SIPA/2307031449

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