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Contre la tyrannie sanitaire

Entretien avec Jean Sigalla, par Philippe Mesnard.

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Contre la tyrannie sanitaire

Le 12 janvier 2022, le tribunal administratif de Versailles suspendait l’arrêté préfectoral rendant obligatoire le port du masque en extérieur dans le département des Yvelines (1). D’autres jugements suivirent, dans le même sens, et certains préfets modifièrent eux-mêmes leurs arrêtés sans attendre que la justice s’en mêle. À l’origine, entre autres, de ce succès, Jean Sigalla, conseiller municipal de Versailles aux côtés de Fabien Bouglé, et six autres particuliers. 

Pourquoi avoir attaqué cette obligation de porter le masque ?

Il y a une forte mobilisation dans le département des Yvelines, depuis plus d’un an, contre la dictature sanitaire qui s’est mise en place. Jean-Marc Tran avait déjà attaqué les premiers arrêtés préfectoraux imposant le port du masque, par exemple. Depuis le printemps 2020 jusqu’à la mi-janvier 2021, nous avons connu une éclipse très inquiétante de l’état de droit en France. On a imposé le port du masque aux Français sans nécessité. C’était en fait la seule chose qui pouvait être proposée par ceux qui voulaient montrer qu’ils agissaient sans vraiment réfléchir au sens de leur action. Mais c’est une décision lourde de conséquences. Par exemple, et c’est fondamental, le port du masque coûte horriblement cher. J’ai présenté au tribunal une évaluation financière. Sur Amazon, un masque FFP2 coûte 65 centimes. Un masque par jour, pendant 365 jours, avec une obligation de le porter pour la moitié des habitants du département des Yvelines, soit 750 000 personnes, ça représente 175 millions d’euros… Par ailleurs une infirmière coûte 60 000 euros par an : autrement dit, cette mesure représente presque 3000 infirmières par an. Si on impose le masque, à budget de l’État égal, c’est comme si on sacrifiait 3000 postes d’infirmières.

Vous aviez d’autres arguments que celui-ci, très intéressant, du coût public des mesures et de la balance coût-bénéfice de deux mesures de santé publique ?

Oui, un article de la revue Annals of Internal Medicine, mondialement renommée. Il présente une étude très intéressante réalisée au Danemark (2), qui n’imposait pas à toute la population de porter le masque. En comparant deux groupes de 3 000 personnes chacun, l’un portant le masque, l’autre non, ils ont constaté que les deux groupes n’avaient pas de taux d’infection significativement différents. L’intérêt du port du masque n’était donc pas démontré. Si on fait un sacrifice financier aussi important, autant être sûr de son intérêt, n’est-ce pas ? D’autres arguments ont été présentés, comme la souffrance des enfants à porter un masque en permanence, et d’autres arguments juridiques, comme le fait qu’une mesure de police administrative ne peut être illimitée. Ce qui est très important, c’est qu’un juge administratif a décidé de jouer pleinement son rôle de gardien des libertés et a empêché que l’administration n’exerce son pouvoir de manière excessive. Dans la foulée, d’autres arrêtés ont été suspendus, ou modifiés.

Quel argument a le plus porté : économique, scientifique ?

Je cite l’ordonnance du juge des référés : « Le préfet ne justifie pas des raisons liées à des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion du virus qui exigeraient que soit prononcée l’obligation générale du port du masque en extérieur dans l’ensemble des 259 communes du département, de plus sans définir les périodes horaires caractérisées par une forte densité de population.  […] l’arrêté contesté porte à la liberté individuelle des personnes appelées à se déplacer sur le territoire du département des Yvelines une atteinte excessive, disproportionnée et non appropriée aux circonstances de temps et de lieu. » Cette ordonnance marque un tournant dans la crise sanitaire. La magistrature reconnaît qu’on est allé trop loin et qu’il faut donner un coup d’arrêt, au moins provisoire, à un déclin des libertés en France comme on n’en avait pas connu depuis 75 ans.

Cela dit, le passe vaccinal vient d’être voté… qui est plus liberticide que le masque ou le confinement.

Certes les libertés publiques déclinent, nous sommes même rentrés dans une crise de l’État comme nous n’en avions pas vue depuis longtemps en France. Chacun connaît l’histoire de Charles VI dans la forêt du Mans s’attaquant à ses propres troupes : le président de la République actuel, qui veut « emmerder » les Français, c’est Charles VI – dont le règne a été une calamité pour la France. Le passe vaccinal n’est rien d’autre que la propiska, ce « permis obligatoire de résidence » de la Russie tsariste repris par l’URSS et qui n’a été abandonné qu’en 1993. En France, le servage avait déjà disparu depuis cinq siècles. Le système qui se met en place en France, entre les non-vaccinés et ceux qui refuseront les doses à venir, est sans précédent dans la partie occidentale de l’Europe. Mais je crois qu’il y a deux facteurs d’espoir. D’abord, la France est un pays de liberté, une liberté enracinée en France depuis très longtemps, bien avant la Révolution. J’ai été frappé par la réaction des syndicalistes refusant ce que Madame Borne, ministre du Travail, voulait imposer, le passe vaccinal pour les salariés. La CGT a sauvé les salariés et le gouvernement a reculé. Dans ce cas, la CGT a agi comme les féodalités d’Ancien Régime, qui parfois abusaient de leur pouvoir mais qui empêchaient aussi un pouvoir central trop puissant d’abuser du sien. Par ailleurs, plusieurs pays, en Europe et dans le monde, comme la Grande-Bretagne, l’Espagne, le canton de Berne, etc., ont déjà desserré le corset sanitaire mis en place. Il paraît difficile que le passe vaccinal perdure en France quand des pays voisins seront revenus à la normale. Il y a un consensus qui se dessine comme quoi tout cela a assez duré, qu’il faut laisser les gens vivre et revenir à une vision raisonnable des choses. Mais il est vrai la classe politique française a montré un côté sombre étonnant dans son soutien sans nuance au passe vaccinal, acceptant une mesure de tyrannie, au sens historique. Cet « extrême-centre » qui incarnait la modération s’est engagé dans une politique liberticide alors que les partis extrémistes qu’on nous désigne encore comme un danger pour la démocratie, qu’il s’agisse de Mélenchon, de Philippot et de tous les autres, défendent la liberté des Français. C’est une situation inédite mais qui aide à prendre conscience, en France, du fait que la classe politique traditionnelle a failli, qu’on ne peut pas lui faire confiance, qu’elle ne garde plus nos libertés – surtout pas des responsables tels que Valérie Pécresse qui vote pour le passe tout en disant qu’il ne servira à rien. Comme si cette mesure ne changeait pas fondamentalement les conditions de vie de millions de Français, empêchés de se déplacer ou de se restaurer… Sans parler de l’accès aux soins.

 

1. http://versailles.tribunal-administratif.fr/A-savoir/Communiques/Le-tribunal-administratif-de-Versailles-suspend-l-execution-de-l-arrete-prefectoral-du-29-decembre-2021-rendant-obligatoire-le-port-du-masque-dans-le-departement-des-Yvelines

2. Henning Bundgaard, Johan Skov Bundgaard, et alii, “Effectiveness of Adding a Mask Recommendation to Other Public Health Measures to Prevent SARS-CoV-2 Infection in Danish Mask Wearers. A Randomized Controlled Trial”, Annals of Internal Medicine, mars 2021. 

 

Illustration : Dans toute la France, des milliers de manifestants chaque semaine depuis plusieurs mois.

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