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Comment l’Ined informe le débat sur l’immigration en France

Entretien avec Jean-François Mignot. Un article scientifique publié en avril 2019 dans la revue Population & sociétés, publiée par l’Institut national d’études démographiques (Ined), indiquait qu’en France métropolitaine, en 2008, les prénoms les plus fréquents chez les petits-fils d’immigrés du Maghreb seraient « Yanis » et « Nicolas ».

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Comment l’Ined informe le débat sur l’immigration en France

Au total, selon l’étude, seulement 23 % des petits-enfants d’immigrés du Maghreb porteraient un prénom « arabo-musulman ». On sait que cette question des prénoms est devenue un marqueur d’intégration ! La réception de l’article en témoigne puisque Le Monde, par exemple, soulignait à l’époque à quel point l’abondance de Nicolas et Inès prouvait la très bonne intégration des descendants d’immigrés – et l’ignorance d’Éric Zemmour, qui, quelques mois auparavant, s’était accroché avec Hapsatou Sy sur son prénom et ce que ce choix révélait. Mais un autre démographe, Jean-François Mignot, chercheur au CNRS, a tenté, en bon scientifique, de reproduire l’étude de Baptiste Coulmont et Patrick Simon.

Pourquoi la fréquence du prénom Nicolas vous a-t-elle étonnée ?

On ne rencontre pas souvent un résultat aussi contre-intuitif en sciences sociales. Des garçons descendants d’immigrés du Maghreb avec des prénoms catholiques, je n’en ai jamais vu. Donc, intuitivement, je trouvais ce résultat douteux. Par ailleurs, Patrick Simon, l’un des auteurs de l’article, avait déjà tenté de tromper ses lecteurs dans un livre paru en 2016 où, dans un chapitre, il affirmait qu’en métropole, en 2008, les musulmans ont moins souvent une majorité d’amis musulmans que les chrétiens n’ont une majorité d’amis chrétiens, et il en tirait la conclusion que les chrétiens étaient plus communautaristes que les musulmans : le problème est qu’il y a évidemment beaucoup plus de chance d’avoir des amis chrétiens en France métropolitaine, vu la composition générale de la population… On ne compare pas deux religions qui n’ont pas le même poids dans la population. Patrick Simon créait de toutes pièces un indicateur bidon, dans un but militant. Bref, ce « Nicolas » paraissait un peu trop beau pour être vrai.

Vous avez décidé de reproduire l’étude en partant du même corpus utilisé par les auteurs, l’enquête Trajectoires et Origines (TeO), enquête sur la diversité des origines en France. Mais les difficultés commencent…

J’ai d’abord demandé aux auteurs leur méthodologie. Et au fur et à mesure que les semaines puis les mois ont défilé, je me suis rendu compte qu’ils ne voulaient pas me communiquer leur méthodologie ni me dire pourquoi. C’est complètement contraire à l’idée d’intégrité scientifique, aux usages en vigueur dans la recherche, et à la Charte nationale de déontologie des métiers de la recherche, signée par l’Ined en 2015. Tout va dans le sens de la reproductibilité : on partage des méthodologies explicites pour savoir ce que signifient exactement les résultats. Je n’ai reproduit leur étude que parce que je n’avais pas accès à la méthodologie : personne, depuis deux ans et demi, ne connaît le programme informatique qui a permis à ces auteurs et à l’Ined d’arriver à leurs résultats.

En travaillant sur la même base, vous n’arrivez pas aux mêmes résultats : les surabondants Nicolas ont disparu, ou presque !

J’ai publié sur HAL, portail scientifique du CNRS, un article reprenant tous mes travaux de vérification. En fait, le top 3 des prénoms aberrants est calculé sur les petits-fils d’immigrés du Maghreb. Mais dans la base de l’Ined, il n’y a que 11 Nicolas… ce qui est déjà hallucinant, et sans que ce soit mentionné dans l’article de Population et sociétés ! Comme on porte des milliers de prénoms différents, il est normal que, dans une base ne contenant que quelques milliers d’individus, les prénoms les plus portés ne soient portés que par quelques individus. Mais ça n’a pas de sens de publier une telle étude avec une base pareille : il aurait fallu étudier cette question sur l’ensemble des données d’état civil. La première question que je me posais était celle de la fiabilité de la statistique. Les travaux de l’Insee sont globalement de bonne qualité, et émanent d’un institut intellectuellement honnête. Je suis allé regarder d’autres sources, mais aucune autre source ne confirme la prévalence de Nicolas chez les descendants d’immigrés du Maghreb… Les gens qui ont des noms de famille arabes ne portent que très rarement un prénom français. Toutes les autres sources, certes imparfaites, invalident l’hypothèse « Nicolas ». Par exemple, dans les candidats au brevet qui portent un nom de famille arabe, le prénom Nicolas arrive en 150e place.

Vous en arrivez à la conclusion que les résultats sont faux, soit parce que les hypothèses des auteurs étaient mauvaises, soit parce que les auteurs ont une approche militante. Patrick Simon, directeur de recherche à l’INED, directeur de département à l’Institut Convergences Migrations et chercheur associé à Sciences Po Paris est ainsi un militant de la mouvance décoloniale.

Les deux hypothèses ne sont pas incompatibles. L’enquête TeO est une bonne enquête, avec un très bon échantillonnage. Mais le problème est la manière dont les catégories ont été construites, par exemple en ne distinguant pas les pieds-noirs rapatriés en France et les immigrés du Maghreb. Quand on a un résultat aberrant, on le vérifie : l’enquête TeO permet de vérifier très rapidement que ces 11 Nicolas n’ont aucun ancêtre immigré du Maghreb! Leurs ascendants ne parlent pas arabe ni berbère, portent des prénoms chrétiens ou juifs, et ne sont pas musulmans : ce sont des descendants de pieds-noirs. 

Bien sûr, les deux auteurs contestent votre critique. Indépendamment de leur couleur politique, tout le débat paraît porter sur la constitution du corpus : en l’absence de statistiques ethniques, comment repérer un descendant d’immigré, en France ? Comment réfuter, par exemple, cette affirmation : « un petit-enfant ayant un grand-père paternel immigré d’Europe du Sud et une grand-mère maternelle immigrée du Maghreb ne sera pas considéré par Jean-François Mignot comme un petit-enfant d’immigré maghrébin. Il s’agit d’une procédure de classification exclusive qui réduit la diversité des ascendances » ?

J’ai répondu deux choses. D’une part, Patrick Simon change les conventions de codage qu’il avait fixées dans le cadre d’exploitation de l’enquête TeO, tel que cela apparaît dans son livre de 2016. Un immigré est une personne née étrangère à l’étranger. Mais quelle est son origine ? On peut utiliser le pays de naissance ou la nationalité à la naissance. Pour les enfants d’immigrés, c’est plus compliqué. La statistique publique, en France, admet généralement que lorsqu’un enfant d’immigrés est enfant de deux immigrés d’origines différentes, on lui attribue l’origine de son père. C’est la convention standard… mais Simon a considéré, lui, que l’enfant avait les deux origines : donc, il inclut parmi les descendants d’immigrés du Maghreb une population où il y a forcément moins de prénoms arabo-musulmans. Dans mes calculs, et en respectant les conventions, je n’arrive évidemment pas aux mêmes résultats. Le fait que Simon l’ait fait sans le dire à personne indique bien qu’il voulait, artificiellement, produire des résultats qui l’arrangent.

Vous avez produit un travail considérable, de plusieurs centaines de pages, pour contester scientifiquement une étude aux prétentions scientifiques. Quelle a été la réception de votre travail ?

En moins d’une semaine, les auteurs et la revue de l’Ined ont répondu. Ils ne contestent pas les manquements à l’intégrité scientifique (ils font comme si la question n’avait pas été posée), ils contestent la fausseté de leurs résultats. Mais en examinant de près l’enquête TeO, on se rend compte qu’elle catégorise des personnes prénommées « Bruno », « Jacqueline » ou « Pierre » comme immigrés du Maghreb au seul motif que, d’après les déclarations des enquêtés, ils seraient nés Algériens avant 1962 – ce qui est impossible puisque à cette époque la nationalité algérienne n’existait pas. L’enquête TeO n’a pas corrigé ces erreurs de déclaration, elle catégorise ces individus comme des immigrés du Maghreb alors que, chrétiens et juifs, ils sont vraisemblablement des rapatriés d’Algérie et non à proprement parler des immigrés. Deuxièmement, l’article de Population et sociétés considère des personnes prénommées « Richard », « Marie-Carmen », « François », etc., comme des immigrés du Maghreb au seul motif qu’ils sont nés Espagnols ou Italiens en Algérie, au Maroc ou en Tunisie. Or des chrétiens ainsi prénommés sont manifestement des rapatriés européens d’Afrique du Nord.

Or, personne ne m’a répondu sur ce point. Ma démonstration est restée lettre morte, pour l’Ined comme pour la plupart des grands médias, qui avaient été ravis d’exploiter l’article de Simon et Coulmont. Comment l’Ined a-t-il pu laisser paraître une énormité pareille et, depuis deux ans et demi, refuser de contraindre ses auteurs à expliquer leur méthode ? Cela pose quand même de graves questions sur la manière dont l’Ined informe le débat sur l’immigration en France.

Propos recueillis par Philippe Mesnard

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