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Au-delà du « bloc populaire »

Il ne suffit plus d’opposer “élite” et “peuple”, les termes doivent être redéfinis. D’une part, les élites véritables sont écartées au profit d’une oligarchie, d’autre part le peuple ne sait plus ce qu’est la nation. Ne faudrait-il pas dépasser cette opposition facile et songer à réconcilier ceux qui entendent faire vivre leur pays ?

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Au-delà du « bloc populaire »

Depuis maintenant quelques années, les analystes nous proposent une lecture de la vie politique qui dépasse le clivage droite/gauche auquel nous étions habitués. C’est ainsi que, dans la lignée d’un Christopher Lasch, qui dénonçait La révolte des élites, David Goodhart évoque l’opposition entre anywhere et somewhere, entre ceux qui, n’étant de nulle part, sont de partout, et ceux qui sont au contraire enracinés quelque part ; que Christophe Guilluy distingue entre les gagnants de la mondialisation, que ce géographe positionne dans nos métropoles, et les perdants, répartis dans ce qu’il appelle La France périphérique, celle des territoires délaissés par l’État ; ou que Jérôme Sainte-Marie propose de distinguer entre bloc populaire et bloc élitaire et s’interroge dans son dernier ouvrage, Bloc populaire, sur Une subversion électorale inachevée. Dans tous les cas, c’est donc un statut social qui semble être la base du clivage politique, même si l’on ne saurait résumer cela à l’approche marxiste opposant bourgeoisie et prolétariat – et quand bien même celle-ci retrouve-t-elle parfois une certaine pertinence, comme au travers des brillantes analyses de Jean-Claude Michéa. 

Si cette opposition autant sociale que politique naît et croît, la cause en serait la volonté du groupe élitaire de s’affranchir pour son seul profit des règles communes ? Cela devrait conduire à ne plus user du terme d’« élite ». Des élites, il y en a d’abord dans toutes les couches sociales – élites paysanne, ouvrière, artisanale bien sûr, comme élites intellectuelles, militaires ou politiques –, car tout groupe social en produit nécessairement pour sa survie même. Mais ces élites ensuite, au-delà du simple profit qu’elles peuvent retirer de manière tout à fait légitime de leurs responsabilités, travaillent d’une part pour un bien commun qui concerne l’ensemble de leur groupe, et d’autre part permettent que leur renouvellement résulte d’un système méritocratique. De nos jours, au contraire, quand une caste cooptée n’entend plus travailler que pour son seul intérêt, c’est d’oligarchie et non d’élite qu’il convient de parler. Ce bloc dit élitaire est fragile : il doit compter pour asseoir son pouvoir sur ses affidés et commensaux, tous ceux qui croient faire partie de la « nouvelle élite » parce qu’ils ont droit à quelques miettes. Mais un sentiment de déclassement qui ne frappait que les classes populaires touche maintenant jusqu’à une classe moyenne supérieure qui constate que son héritage – financier, social, culturel – va s’amenuisant, et, surtout, que l’abandon des critères méritocratiques obère les chances de ses enfants de progresser.

L’incapacité des blocs populaires à se constituer en force politique

Face à ce premier bloc, le bloc « populaire » donc, un terme qui prête lui aussi à confusion. L’OPA lancée par Jean-Luc Mélenchon avec sa « Nouvelle union populaire » démontre que la gauche tient une fois de plus à s’en réserver l’usage. Il suffit pourtant de prendre les résultats de l’élection présidentielle de 2022 pour constater que, si « bloc populaire » il y a, il est essentiellement situé à droite. Si l’on entend par populaire en effet, dans une approche sociologique, les CSP- au faible niveau de diplômes, il est évident que le RN de Marine Le Pen a, depuis des années, capté une part non négligeable de l’ancien « électorat ouvrier », débordant ensuite largement sur les employés, puis artisans, et jusque dans les campagnes où il peinait pourtant à s’implanter. Plus diplômé, l’électorat de Jean-Luc Mélenchon est pour sa part composé de fonctionnaires, des rejetons de la classe moyenne supérieure en crise d’adolescence, et de représentants des populations de « quartiers » certes dits « populaires », mais qui invitent à s’interroger sur ce que peut recouvrir la notion de « peuple ». Et gardons-nous enfin d’oublier cette part du « bloc populaire » qui n’apparaît dans les soirées électorales que lorsque l’on commente le chiffre de l’abstention : CSP-, peu diplômés, les désaffiliés démocratiques représentent sans doute le gros des troupes.

Un « bloc » populaire peut-il exister comme force politique dans cette société « archipellisée » décrite par Jérôme Four quet, sans avoir alors une conscience de classe ou celle d’un avenir commun ? Oublions ces mythes qui courent à droite comme à gauche, chez Maurras ou Orwell, d’un « pays réel » ou d’une « décence commune » miraculeusement préservés et qui ressurgiraient spontanément. La lame de fond qui sauve la patrie à Bouvines ou à Verdun n’est pas plus « populaire » qu’elle n’est « bourgeoise » ou « aristocratique » : elle est tout cela à la fois, et c’est pour cela qu’elle a pu être, à un moment précis, cet élan qui a changé l’histoire. Mais privé de cette union naturelle et nécessaire avec les élites, un mouvement populaire de révolte s’épuise sans devenir une force politique. On l’a vu avec les Gilets jaunes, surgissement spontané échappant aux partis comme aux syndicats, mais qui n’a été capable, ni de se structurer par lui-même, dégageant une élite de ses rangs, ni d’accepter de se rallier derrière d’autres, et qui, après une phase de lente implosion, a été récupéré.

Quel autre mythe mobilisateur possible que celui de nation ?

Comment alors faire exister politiquement le bloc populaire ? En luttant contre l’individualisme ? Retrouver le sens du bien commun peut certes passer par la lutte de terrain contre l’atomisation de la société moderne, mais retisser des solidarités ne suffit pas. Comme à chaque fois qu’il faut rassembler un groupe social, se pose finalement la question du mythe mobilisateur permettant de le faire, de ce qui va unir des éléments dissemblables dans une lutte commune toujours faite au moins autant « contre » un ennemi commun que « pour » un intérêt commun. Florian Philippot proposa ainsi de réunir les souverainistes de droite et de gauche de la « France du non », Éric Zemmour conservateurs et populistes contre le « Grand remplacement », mais sans vraiment réussir. 

Reste, pour ce faire, une pensée et une méthode. La pensée, c’est un conservatisme faisant prendre conscience aux éléments « populaires » comme aux élites qui ont vocation à les rejoindre qu’elles ont un patrimoine commun à protéger. Et s’il importe ici de rappeler un roman national dont les images parlent immédiatement, il faut aussi refaire un contrat social équitable, repensant ce que doit être le « juste salaire ». La méthode, c’est celle d’un populisme qui n’est dans nos sociétés que l’expression d’une revendication aussi claire que simple : redonner au peuple la maîtrise de son destin – avec notamment l’instauration du référendum d’initiative populaire.

En écrivant cela, comment ne pas penser à Ernest Renan, définissant la nation comme « deux choses qui en réalité n’en font qu’une […]. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis » ? Et comment ne pas comprendre que sans une définition préalable des notions de peuple, d’identité et de nation, un « bloc populaire », alors réduit à un assemblage de catégories socio-professionnelles, ne sera jamais d’aucune utilité politique ? 

L’exemple nous est aujourd’hui donné d’ailleurs, et vient de partout – Europe ou Afrique, Asie ou Amériques : en ce début de XXIe siècle, l’alliance des élites et des « blocs populaires » se fait autour de ce mythe mobilisateur qu’est la nation. Dans des nations ayant conscience de leurs identités et acharnées à les défendre, et aux prises pour cela avec les tenants d’un mondialisme progressiste qui vise à les éradiquer, qui est l’ennemi commun. Espérons seulement que nous pourrons éviter de voir notre nation renaître, comme en Ukraine, dans le creuset d’une guerre, quelle qu’en puisse être la forme.

 

Illustration : L’exaspération n’est pas un programme, et le citoyen ne pèse rien en République.

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