Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Voici un livre d’entretiens, fluide et agréable à lire, car cette démarche par questions-réponses prend ici un tour spontané et personnel. Les sujets traités et les auteurs évoqués nous ramènent aux années 1740-1815 et permettent de découvrir Voltaire, Diderot, Rousseau et leurs plus ou moins amis sous un jour peu habituel.
En effet, Xavier Martin nous raconte qu’amené à étudier de près les documents relatifs à l’élaboration du Code civil (1801-1804), il a eu la révélation presque sismique que la conception de l’homme sous-jacente à cet ouvrage majeur était radicalement différente de ce qui apparaît dans les comptes-rendus officiels ; élargissant ses recherches, Xavier Martin est allé d’étonnement en étonnement ; il a constaté en effet que l’homme du Code civil est à très peu de choses près le même chez Voltaire, Diderot, La Mettrie, d’Holbach, Helvétius. Or, la gentry universitaire présente traditionnellement l’homme des Lumières comme un être sociable, doué de libre-arbitre, bienveillant, à la spiritualité élevée, siégeant au sommet de la création.
Stupeur ! Celui qui surgit des recherches de Xavier Martin après exploration de la masse imposante des œuvres des « philosophes », selon une démarche que l’on pourrait appeler empirisme exploratoire, est totalement différent ; il n’est qu’une machine de chair (La Mettrie, Diderot), qui ne diffère éventuellement de l’animal que par la complexité de ses sensations, et qui ne doit être évalué qu’en fonction de son utilité (maître-mot, référence permanente), dans la société. Pas d’âme, pas de religion au sein d’un monde purement matériel. Cette vision réductrice de l’homme, renforcée par un mépris avoué pour « l’espèce femelle » mène tout droit à une vision du peuple « massifié », à dompter et à exploiter, dont les stratèges de la Révolution, puis Napoléon, magistralement portraituré en fin d’ouvrage, sauront se souvenir ; quant aux plus faibles, on les assimile à des animaux inutiles, bons à éradiquer. Le racisme n’est pas loin, non plus que l’eugénisme, qui affleurent et parfois éclatent sous la plume de Voltaire, Rousseau et même du prudent Diderot.
Dès lors, aujourd’hui, les frénésies des lois prétendument bioéthiques, et les projets prométhéens des transhumanistes apparaissent comme une postérité, un avatar de l’esprit des Lumières que l’on continue à exalter.
Hommage à Xavier Martin qui tire le fil du vrai d’un maquis d’affirmations obliques, voire camouflées et d’erreurs obstinées autant qu’officielles ; mais, comme le dit notre auteur avec son humour souriant ; « On ne force pas à boire un âne qui n’a pas soif, et moins encore on ne contraint à réfléchir un âne titré ».