Démobilisé à l’été 1940, Martin Wisenfall, médecin à Strasbourg, a tout juste le temps, avant que le piège se referme sur les Alsaciens annexés au Reich, de mettre son épouse juive et leur petite fille en sécurité à Paris. Du moins l’espère-t-il. Désormais considéré comme citoyen allemand, Martin, contre la fallacieuse promesse de la vie sauve pour sa famille, se retrouve enrôlé malgré lui dans les services médicaux de la Waffen SS et envoyé sur le front de l’Est. Devenu à son corps défendant un rouage de la monstrueuse machine, pris entre son horreur du nazisme, sa conscience catholique et ses devoirs de médecin, le docteur Wisenfall se révèle un paradoxal héros. Jusqu’au jour où, en permission en France, il découvre la déportation des siens.

L’on pouvait s’attendre au pire avec un pareil sujet. Il n’en est rien. Au contraire. Évitant le manichéisme ordinaire entourant la période de l’Occupation, Vivier donne un scénario d’une intelligence et d’une honnêteté intellectuelle sans faille, met en scène des personnages possédant une réelle densité psychologique, confrontés aux drames de leur temps que la plupart d’entre eux tentent de surmonter avec courage et compassion. Le dessin réaliste de Denoël restitue l’ambiance sombre des années 40. Une vraie réussite historique dont on attend la suite avec intérêt.

Herr Doktor, tome 1, la peste et le choléra, Jean-François Vivier et Régis Parenteau-Denoël, Artège, 56 p., 14,90 euros.