Civilisation
« Parler, c’est agir »
La vanité humaine prétend que la parole est action, mais le seul langage capable de transformer le monde, c’est celui de Dieu.
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Bien avant de devenir royaliste, Jean Dutourd publia Le Déjeuner du lundi. Il avait 26 ans, c’était son deuxième livre et c’était un chef-d’œuvre.
Tous les lundis midi, le père de Jean Dutourd, alias Pompon, réunit son fils et l’oncle Alfred pour un balthazar, précieux en ces temps de rationnement (1946). Le père est expansif et dit « bougrement », l’oncle est resserré et dit « bigrement ». La conversation est comme toutes les conversations au-dessus des assiettes : on parle de tout et de rien. Jean Dutourd relate ce festin, qui dure deux heures et le livre se lit en deux heures. Il n’y a pas d’histoire, d’intrigue. On le voit, c’est du nouveau roman avant l’heure, mais alors que les œuvres des tâcherons du nouveau roman sont assommantes, Le Déjeuner du lundi est passionnant. Cela tient sans doute à ce que Dutourd avait une excellente oreille, les dialogues sonnent incroyablement juste, ils sont d’une banalité extraordinaire. Mais Alexandre Vialatte en parlait mille fois mieux que moi : « Ce Déjeuner du lundi où la plate réalité reflète comme une bulle de savon on ne sait quelles irisations qui lui donnent des couleurs féeriques ». C’est un livre plein de poésie et de tendresse. La réédition actuelle est due au très dévoué Max Bergez, qui signe une postface remarquable.