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UN MOINDRE MAL

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UN MOINDRE MAL

Quel terrible retour en arrière ! La dictée, qui a traumatisé des générations et des générations de pauvres gosses, est de retour. Si encore le français possédait une graphie strictement phonétique comme l’espagnol, passe ! Mais les graphies françaises sont d’une complication abominable. Réfléchir par exemple aux accords du participe passé, différents si on a droit à l’auxiliaire être ou à l’auxiliaire avoir, et je ne parle pas des verbes pronominaux, quel casse-tête ! Cela pousse le tendre élève à des subtilités de raisonnement, alors qu’on a besoin de gagnants qui foncent et ne s’embarrassent pas de finasseries. En plus ! en plus ! les textes qui servent de supports à ces tortures sont pour la plupart des textes d’écrivains : l’élève martyrisé apprend à la pointe de son stylo des expressions alambiquées, sinueuses, interminables, alors qu’il nous faut des messages courts, frappants. Time is money. Ces textes d’écrivains décrivent souvent des paysages de la campagne. Quand il a écrit trois mots et qu’il attend que le professeur des écoles un peu lambin et à qui on va peut-être remettre une blouse grise et une règle pour taper sur les doigts, alors qu’ils sont tout de même plus à l’écoute de nos chères têtes blondes avec des jeans élimés et des pulls troués, qu’il attend donc que le professeur continue sa morne psalmodie, le pauvre chou supplicié rêve. Catastrophe, il rêve ! On en fait un rêveur, alors qu’il nous faut des hommes d’action. Et à quoi rêve-t-il ? À l’or des blés qu’on lui met sous les yeux, à l’odeur des foins qu’on lui met sous le nez ! Parce que toute personne qui a dépassé les cent ans se souvient des textes agrestes de René Bazin et de Joseph de Pesquidoux qu’on lui faisait subir en dictée. Va-t-on remettre ça ? Va-t-on, de notre élève, faire un rural, alors que les agriculteurs n’ont pas de quoi vivre, et un littéraire (il y en a déjà trop, on ne sait pas quoi en faire), va-t-on en faire un être sensible ! Sensible ! Sensible ! C’est-à-dire un pleurnichard.

Heureusement, j’ai vu à la télé une séance de dictées new fashion. D’abord, le texte est court. La notation n’est plus répressive, mais optimisante. Le sujet du texte n’est pas toujours paysan, bouseux, réac, mais parfois moderne. Ce peut être un énoncé de physique ou de mathématique ou une déclaration citoyenne émanant d’un organisme accrédité. Donc, un moindre mal.

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