De 1948 à 1951, Henri Matisse se lance dans une curieuse aventure : décorer une chapelle à Vence, attachée à un couvent de dominicaines.
Vitraux, fresque, chasuble, rien n’échappe à l’œil et à la main du maître, au grand dam des communistes, effrayés de voir Matisse récupéré par la réaction et, pire, le goupillon – au lieu de s’offrir à Staline. Mais Matisse n’en a cure et se jette tout entier dans cette œuvre d’art totale qui prend sa source dans l’amitié qui le lie à Sœur Jacques-Marie, jeune dominicaine qui fut d’abord sa garde-malade. Improbable amitié où le vieux Matisse se réchauffe au sourire d’une jeune fille, elle-même découvrant un monde nouveau – jusqu’à ce que la grâce la happe et que l’amitié la jette dans cette curieuse bataille de l’art contemporain où l’Église tentait, pour la dernière fois, d’être de son temps sans renoncer à sa proposition spécifique. Le frère Philippe Verdin, dominicain lui-même, raconte cette histoire avec verve, avec science, et surtout avec une vraie proximité cordiale. On sent que sœur Jacques-Marie lui plaît, qu’il aurait aimé visiter Matisse à l’hôtel Regina, qu’il a son avis sur mère Anastasie, la supérieure de la petite sœur, qu’il éprouve une sainte mais ironique joie à raconter les mines déconfites de Picasso et Aragon ; qu’il offre une clé de compréhension primordiale à ceux qui visiteront la chapelle de Vence.
Philippe Verdin, Le dernier fleurt d’Henri Matisse. Le Cerf, 2023, 220 p., 17 €.