Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Chronique de Me Jacques Trémolet de Villers
Le 21 janvier 2020, à la Chapelle Royale de Dreux, nous avons vécu un moment d’histoire. Le fait n’a rien d‘extraordinaire. Le 21 janvier est une date beaucoup plus importante que le 14 juillet. Je me souviens d’un entretien télévisé donné par Robert Badinter, il y a quelques années. Interrogé, lui, l’abolitionniste de la peine de mort, sur l’exécution de Louis XVI, il ne put que la déplorer, mais ajoutant quand même : « et ce jour-là, la République était fondée ».
Dans son homélie, Monseigneur Brizard rappelle que l’assassinat judiciaire de Louis XVI fut plus qu’un changement d’institution ou de régime, la mort du père. Cette mort du père, nos lois d’aujourd’hui la rendent plus réelle encore, même si c’est d’une façon hypocrite et pseudo-scientifique. Le 21 janvier 1793, le Royaume de France perdait son père. Aujourd’hui, les soi-disant représentants du peuple français programment la mort de ses pères. En 93 aussi, la Convention avait voté la mort du Roi.
Avant la messe, alors que le soleil d’hiver perçait les vitraux aux si vives couleurs de cette Basilique des Orléans, le Comte de Paris s’avança, et les deux genoux ployés sur la première marche de l’Autel d’une voix ferme, il déclara,
Seigneur, Moi, Jean, Comte de Paris, comme tout fidèle, au début de cette messe, je me reconnais pécheur devant Toi. La Maison Royale de France, dont, par grâce, je suis devenu le Chef, Nous te demandons pardon, ainsi qu’aux victimes, des fautes de nos ancêtres, et en particulier de celle de Louis-Philippe Joseph d’Orléans, à l’égard de son cousin Louis XVI, Roi de France, père de son peuple et qui a reçu l’onction par le sacre, mais aussi à l’égard de sa famille et de la France. Nous implorons ta miséricorde sur nous, notre famille et notre pays. Tu le sais, comme Josué, nous et notre maison, nous avons choisi de Te servir.
Où a-t-on vu, dans l’histoire, un acte semblable ? On n’ose même plus évoquer les propos sans consistance de ceux qui se disent encore nos gouvernants.
Le saint sacrifice de la messe est un moment de communion. Communion entre les membres présents, mais aussi avec ceux qui sont loin et ceux qui sont morts. Pour la Famille royale, cette communion était encore plus intense en ce jour du bout de l’an où le père de l’actuel comte de Paris, le prince Henri, était mort, le 21 janvier 2019, à dix heures du matin, comme Louis XVI.
La coïncidence de ces coïncidences nous enseigne qu’il n’y a pas de coïncidences. Il y a des grâces que l’on voit, ou qu’on ne veut pas voir. C’est quand il est à genoux, se reconnaissant pécheur devant Dieu, que l’homme est grand. Le Roi l’est encore plus.
Le comte de Paris a accompli un acte royal et souverain. Royal, parce que seul un roi ou fils de roi peut demander pardon pour la mort d’un roi. Et souverain parce que cet acte ne lui était imposé que par lui-même. Il a renoué le lien que le vote de Philippe-Égalité avait rompu. Cet acte de contrition, qui est aussi acte de charité, ouvre la voie à un acte d’espérance. Ce « bel agenouillement droit d’un homme libre », comme disait Péguy, est la préface à l’agenouillement du sacre.
Au commencement de l’année Jeanne d’Arc, pouvions-nous rêver un plus beau don du Ciel ? Cette grâce insigne dans le soleil du matin en annonce beaucoup d’autres.