L’auteur de la pièce joue d’un stratagème qui se révèle efficace. Il imagine un journaliste venant interroger le poète, pour rédiger son portrait.

Cette forme vive permet de narrer le parcours atypique et les rencontres de cet intellectuel engagé, qui fut tour à tour militant socialiste, anticlérical, puis dreyfusard et qui, à partir de 1908, s’engagea dans le catholicisme et le nationalisme. Sa foi chrétienne ne fera que davantage l’ancrer dans son exigence d’une justice sociale.

Si l’auteur, Samuel Bartholin, réussit avec talent à juxtaposer le combat social avec l’exigence mystique du poète, on regrettera cependant le dialogue avec un représentant de l’Action Française, vu sous un angle caricatural. Il faudrait rappeler que Daniel Halévy, avait écrit dans Charles Péguy et les Cahiers de la Quinzaine, parution à laquelle il collaborait : « Il n’est pas difficile d’imaginer ce qu’eût été une polémique entre Maurras et Péguy, polémiste d’égale force »

Seul en scène, l’acteur, Bertrand Constant, joue durant une heure dix tous les personnages en se glissant habilement et tout en rupture dans chacun d’eux. Il est soutenu avec talent par des changements de lumière et une ambiance sonore. Sa performance, cependant, est altérée par une technique vocale et une diction dont nous souhaiterions qu’elles soient améliorées au cours des prochaines représentations que nous ne manqueront pas d’aller revoir. Mais, habité par son personnage, il arrive à nous communiquer l’appréhension de cette terrible Première Guerre mondiale qui faucha dès les premiers jours du conflit, le 5 septembre 1914, à Villeroy en Seine-et-Marne Charles Péguy, lui-même !

Dans cette période de Pentecôte qui donne lieu aux Pèlerinages de Chartres, comment ne pas conclure par sa « prière » qu’il éleva sur cette même route de Chartres du 25 au 28 juillet 1913 : « Étoile de la mer, nous naviguons vers Votre cathédrale »…

Texte de Samuel Bartholin, mise en scène de Laetitia Gonzalbes, avec Bertrand Constant. Création musiques et sons : David Enfrein et Tim Aknine. Création lumières : Charly Hove.

Théâtre de la Contescarpe 25 rue Blainville, 75005 Paris. ICI

Vendredis et samedis à 21h30 (du 23 mars au 30 juin 2018), dimanches à 17h (du 6 mai au 1er juillet 2018)

Durée : 01h10. Réservations : 01 43 26 38 99