Mgr Zen, archevêque émérite de Hong Kong, a lancé le 17 octobre sur les réseaux sociaux un « appel urgent au peuple catholique : prions pour que le synode des évêques se termine bien ».
Écrit en chinois, italien et anglais, ce document de près de cinq pages est incendiaire vis-à-vis des promoteurs du synode qui, s’ils ne sont pas nommés, se reconnaîtront aisément. Une fois de plus, ce n’est pas le pape qui est mis en cause mais son entourage.
Mgr Zen accuse trois chefs de file du synode : les cardinaux Hollerich, Grech et Fernandez. Le premier, archevêque de Luxembourg, est le rapporteur général du synode et préside la commission chargée du document final. Il a présidé la commission des épiscopats de l’Union européenne pendant cinq ans jusqu’en 2023. Le second, archevêque de Malte, est le secrétaire général du synode. Quant au dernier, archevêque de La Plata, il est préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi depuis juillet 2023.
La bénédiction des unions de même sexe ? Oubliez !
Mgr Zen constate que, depuis le début du synode, ils ne mettent pas l’accent sur la « préservation de la foi » (en gras et souligné dans le texte) mais sur « les changements », « en particulier les changements dans la structure de l’Église et dans ses enseignements éthiques ; en particulier les principes éthiques sur le « sexe », et surtout les unions entre personnes de même sexe ».
En 2021, rappelle-t-il, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi avait opposé un non catégorique, signé par le pape, aux bénédictions de couples de même sexe. Or les documents provenant du secrétariat général ont insinué que ce sujet serait discuté au synode. D’où les dubia émis en 2023 par cinq cardinaux, dont Mgr Zen. Des doutes qui n’ont pas été dissipés par la réponse du Vatican intervenue trop vite pour ne pas avoir été écrite d’avance : « Cela avait été évidemment préparé par des personnes en charge du synode pour appuyer leurs raisons de changer les enseignements de l’Église… »
Et Mgr Zen de relever point par point la suite des évènements : fin 2023, la première partie du synode se termine par un résumé qui ne reprend pas l’acronyme LGBTQ, « apparu fièrement dans les documents synodaux ». Ensuite la déclaration de Mgr Fernandez, Fiducia Supplicans, est présentée par le préfet comme suffisamment claire pour ne pas la discuter davantage : « “Ils” ont décidé de ne pas consulter les évêques sur cette question pendant le synode. C’est d’une incroyable arrogance ! » Enfin une grande confusion s’ensuit, avec pour toute réponse de Mgr Fernandez une « compréhension » sans rétractation. D’où l’insistance de Mgr Zen : oui ou non ce problème va-t-il être discuté à l’assemblée du synode ? Ou sera-t-il abordé dans les dix groupes de travail prévus par le pape pour traiter de problèmes particuliers, et qui rendront leurs conclusions d’ici le milieu de l’année 2025 ? Mgr Zen plaide clairement pour que ce sujet des unions de même sexe soit renvoyé sine die. À défaut de quoi, prévient le vieux sage, « l’avenir de l’Église ne sera pas clair parce que les quelques religieux et amis du pape qui insistent sur les changements de la tradition dans ce domaine continueront de pousser leurs plans avec force. » Il va même plus loin et s’indigne : en dehors de la salle du synode, ces promoteurs du changement ont leur agenda, un groupe de l’organisation américaine New Ways ministry, qui se fait l’avocat des transgenres, ayant même été chaleureusement reçu par le Pape le 12 octobre.
Un synode qui n’est plus un synode d’évêques !
Le synode lui-même a été organisé à une échelle inédite avec force consultations des églises locales et conférences continentales. Mgr Zen pointe du doigt Mgr Grech : « Au plan continental, il était clair que le secrétariat général contrôlait étroitement les procédures : le partage était mis en avant tandis que la discussion était évitée ». Or selon lui c’est la même méthode utilisée dans les rencontres du synode.
Mgr Zen compte 96 participants non-évêques, soit 26 % des votants. Pour le dire autrement, il y a 272 évêques sur 368 participants : « De toute évidence, le but du Synode était de doubler la hiérarchie de l’Église et d’implanter un système démocratique ». Et cela est contraire au synode des évêques tel que voulu par Paul VI qui devait permettre au pape d’écouter ses frères évêques : « Avec les « non-évêques » qui votent, ce n’est plus un synode d’évêques ».
Avec humour, Mgr Zen raille les réunions autour de tables rondes qui se déroulent comme de chaleureuses réunions de famille, sous la houlette d’un modérateur qui les entraîne à se connecter à l’Esprit Saint… « Plus de prière, plus de partage, moins de débats », résume-t-il, caustique. Il espèrait au moins que les non-évêques ne voteraient pas avec les évêques. Et appelle à revenir aux méthodes du concile prévues par Paul VI !
Sa dernière inquiétude concerne les changements qui pourraient se produire dans les églises locales, avec une indépendance accrue dans le domaine de la doctrine de la Foi. Cela signerait la fin de l’Église catholique. Il vient d’ailleurs de publier un livre (pas encore traduit en français) intitulé Une, sainte, catholique et apostolique. De l’Église des apôtres à l’Église « synodale ».
Quid des deux évêques chinois invités au synode ?
Ce même 17 octobre, c’est le biographe de saint Jean-Paul II, Georges Weigel, qui enfonce le clou dans un article paru dans l’organe conservateur américain The Wall Street Journal. À l’invitation personnelle du pape François, Mgr Vincent Zhan Silu, évêque du diocèse de Funing/Mindong, et Mgr Joseph Yang Yonquiang, du diocèse de Hangzhou, ont passé le mois d’octobre à Rome.
Zhan a été appointé par la Chine en 2000 et a encouru l’excommunication pour avoir accepté de consacrer un évêque sans autorisation du pape. Il s’est réconcilié avec l’Église en 2018 mais un an plus tard il déclarait publiquement « porter la sinisation de la religion avec détermination » et « continuer à suivre un chemin conforme à la société socialiste ». Yang est vice-président de l’Association Patriotique Catholique Chinoise inféodée au régime communiste depuis sa création en 1957. Il est un produit de l’Église officielle alors que l’Église souterraine est en butte aux persécutions, surtout depuis l’accord secret de la Chine avec le Vatican signé en 2018, renouvelé en 2021.
Le fin connaisseur des pontificats de saint Jean-Paul II puis de Benoît XVI qu’est Georges Weigel avance deux explications aux erreurs de cette diplomatie vaticane qui ne retient pas les leçons de l’échec cuisant de l’Ostpolitik menée par Rome dans les années 60-70, avec une infiltration de l’Église par les communistes. La première est que l’Académie ecclésiastique pontificale enseigne aux jeunes diplomates du Vatican que l’Ostpolitik a été un succès.
La seconde est l’inexpérience du pape François à son accession au trône de Saint Pierre en 2013. Un pape qui n’a pas l’air inquiet du projet de sinisation à marche forcée de Xi Jinping, souligne Georges Weigel, ni du poids de son régime dans la nomination des évêques chinois, alors que le Code de droit canonique établit clairement que « les droits et privilèges de l’élection, de la nomination et de la présentation ou de la désignation des évêques ne sauraient être concédés à des autorités civiles ». Le pape a parfois refusé de recevoir Mgr Zen, le grain de sable dans l’engrenage, qui affirme craindre plus le synode que le communisme.