Civilisation
Pour Charles Maurras, In Memoriam
Il y a 70 ans de cela, le 16 novembre 1952, Charles Maurras s’éteignait à la clinique Saint-Grégoire de Saint-Symphorien-lès-Tours, dans le département d’Indre-et-Loire, âgé de 84 ans.
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Le devoir de mémoire est un slogan récurrent utilisé à foison par ceux que le sens de la responsabilité n’étouffe guère. Avides des repentances d’autrui, ils se distinguent surtout par l’amnésie de leurs écrits et engagements intellectuels lors des conflits de notre histoire. Ces procureurs habiles et malhonnêtes ont une facilité à proférer des réquisitoires à l’encontre de ceux qui ont versé leur sang au lieu de pisser de la copie inspirée par l’air du temps. Le livre d’Hélie de Saint Marc est là pour rétablir la vérité et évoquer les événements dramatiques de notre après-guerre. Ce livre paru il y a bientôt deux ans exige d’être lu et relu pour comprendre la tragédie de ceux qui ont combattu contre le barbarisme rouge. Le parcours de notre auteur est à lui-même un exemple que l’on pourrait jeter à la face de nos petits maîtres, anciens maoïstes, plus portés sur les cocktails mondains que ceux baptisés molotov. Résistant de la première heure en 1941, il est arrêté en 1943 par la Gestapo et envoyé en déportation dans les camps de concentration de Buchenwald puis de Langenstein. Laissé pour mort, il survivra miraculeusement.
Il intègre, à la Libération, Saint-Cyr et choisit, à la sortie, la Légion étrangère. Puis la guerre d’Indochine, qui, il faut le noter, n’était pas une guerre coloniale puisque ce pays avait obtenu son indépendance, mais une guerre pour préserver ce nouvel État de l’ambition meurtrière des dirigeants marxistes. On connaît le résultat et la douce ambiance démocratique qui y règne aujourd’hui. Hélie de Saint Marc sera le témoin de l’exode d’un million de Vietnamiens qui passèrent du Nord au Sud, par peur de ce régime adulé par nos intellectuels de l’époque étrangement silencieux de nos jours sur ce sujet. Puis ce fut l’Algérie, le putsch et après l’heure du choix. Son engagement auprès du général Challe lui coûtera dix ans de réclusion criminelle, dont il accomplira plus de cinq ans de détention avant d’être gracié. Cette condamnation, dictée et exigée par le pouvoir de l’époque, suscitera une réprobation de la part du procureur lors du procès et, à son issue, provoquera la démission du grand Chancelier de l’Ordre de la Libération. Les différents chapitres de ce livre de souvenirs sont les évocations de ces épreuves. A travers eux, il ressuscite les acteurs inconnus et oubliés qui ne furent pas épargnés par les tempêtes de l’histoire. Lui, le naufragé, nous rappelle les morts silencieux recouverts par l’humus des végétations tropicales et les dunes des déserts pour toutes pierres tombales.
Il donne la parole à ceux qui ont survécu à ses côtés et aussi à son juge, qui vingt ans plus tard tentera de façon dérisoire de se justifier. Sa profonde sensibilité nous fait revivre la secrète Indochine et la découverte de l’âme de ses habitants. Nous avons soumis ces pages à un vietnamien, pupille de la Nation, venu en France à l’âge de six ans. C’est en pleurs qu’il remit cet ouvrage en balbutiant : « mais c’est moi, c’est nous ! »
Puis l’auteur se retourne vers l’avenir et en appelle à la jeunesse de France, pas celle que voudraient nous présenter nos hommes médiatiques et politiques à l’aide d’une télévision crasseuse, mais celle, qui sans distinction de races, tente d’aborder la vie, animée par l’idéal et la générosité. C’est dans sa lettre à un capitaine qu’il adresse son message d’exigence et de noblesse. Hélie de Saint Marc rejoint par delà le temps Alfred de Vigny dans sa teneur et sa forme. Ce livre n’est pas seulement une biographie, c’est une œuvre littéraire ; le style est toujours à la hauteur des sentiments élevés de l’auteur. Alternance de phrases courtes et incisives avec des sentences larges et respirées qui s’achèvent sur un verbe fort. Il s’agit bien d’un écrivain qui à certains égards nous a livré un ouvrage proche de La marée du soir d’Henry de Montherlant.
Le dernier chapitre est consacré à son entrevue avec un moine de ses amis. Son parcours héroïque et sa hauteur de pensée rendent inéluctables, au crépuscule de sa vie, ce rendez-vous avec les tenants de la spiritualité. Ultime rencontre dans ce monastère retiré durant laquelle se mêlent les lambeaux du passé et le dialogue avec Dieu.
Lire Saint Marc c’est fouler les chemins escarpés qui mènent aux voies de l’honneur.
Les sentinelles du soir, d’Hélie de Saint-Marc, éditions les Arènes, 200 p.