Civilisation
Le dossier Céline, encore et toujours
Voici un livre un peu déroutant. Encore un livre sur Céline ? Pourquoi pas ? L’introduction est prometteuse.
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On le sait, la langue est tout sauf neutre, et qu’elle soit devenue le terrain de combat des idéologies a été plusieurs fois évoqué : le communisme et sa « langue de bois », la dictature soft de la « langue de coton » (François-Bernard Huyghe), les ravages du « politiquement correct » devenu un « linguistiquement correct », on sait comment, par la langue, on peut imposer de manière subversive ses choix et/ou incapaciter ses adversaires.
On le sait… mais on l’oublie. Or de nos jours l’idéologie woke s’affirme entre autres au travers de la création d’un vocabulaire spécifique qui a envahi aussi bien les médias… que les prétoires. Et c’est pour cela que Sami Biasoni, qui avait déjà publié en 2022 Malaise dans la langue française, a réuni quarante et un intellectuels reconnus – historiens, linguistes, juristes, sociologues, philosophes… – pour évoquer ces « manipulations militantes de la langue ». Dans ce dictionnaire, chaque contributeur a ainsi choisi un mot ou une formule pour en rappeler l’origine et en démontrer l’utilisation biaisée, proposant pour finir au lecteur non seulement une bibliographie qui lui permette d’aller plus loin, mais aussi un substitut ou synonyme dont il lui recommande l’usage pour éviter de se faire piéger.
L’ensemble est une réussite : beaucoup de justesse, beaucoup de culture, et cet humour si absent des textes de la pensée woke – lorsqu’elle tente de s’exprimer autrement qu’en accusant, en stigmatisant ou en insultant. Le lecteur un peu familier des recherches retrouve sans surprise un Pierre-André Taguieff disséquant Antiracisme – le substitut proposé sera « racialisme anti-raciste » ! –, ou un Frédéric Rouvillois démontrant l’imposture de la démocratie participative, « dont on peut se demander, écrit-il, ce qu’elle a de participatif et de démocratique ». L’actualité de notre société est présente quand Chantal Delsol s’interroge sur l’intégration, Vincent Coussedière sur le vivre ensemble ou Anne-Marie Le Pourhiet sur une parité au sujet de laquelle cette juriste reste dubitative – lui préférant comme substitut « quota par sexe » ou « passe-droit sexuel » ! Faut-il céder face au matrimoine (Jean Szlamovicz) et au continuum des violences (Ingrid Riocreux) ? Que se cache-t-il derrière la restitution d’œuvres d’art (Emmanuel Pierrat) ou l’urgence climatique (Ferghane Azihari) ? Comment des termes comme roman national (Dimitri Casali) ou culture (Charles Coutel) sont-ils totalement déformés par rapport à leur sens d’origine ? De la racisation (Pierre Vermeren) au racisme systémique (André Versailles), quelle communautarisation de nos sociétés ? Et, entre masculinisation toxique (Noémie Haliona) et sexisme bienveillant (Samuel Futossi), pourra-t-on-on nier la nécessité de la non mixité (Olivier Vial) et du droit au safe space (Jean Ferrette) ?
Au plaisir de lire des textes intelligents et bien écrits s’ajoute la surprise de découvrir que nous avons parfois été nous-mêmes piégés, reprenant par psittacisme des formules qui nous obligent à céder devant l’offensive woke. En nous rappelant combien de précautions doivent être prises devant ces néologismes à finalité politique, ce livre déconstruit… la déconstruction, chassant du courant d’air pur de la réalité les miasmes délétères de cette idéologie. Avouons que cela fait du bien. Un cadeau utile à faire – ou à se faire.

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