Le rapport Lachaud-Lejeune sur « la lutte contre les discriminations au sein des forces armées» a fait sur la toile quelques vagues qu’il ne méritait pas. On s’y est ému, après une séance houleuse d’examen en commission parlementaire, des fêtes patronales d’armes. Les rapporteurs avaient débusqué l’invitation, envoyée par le colonel de sa messagerie, à la fête du régiment avec messe. Insupportable pression sur les subalternes qui pouvaient s’y sentir convoqués (ce qui n’est jamais le cas). La messe n’aurait dû être annoncée que par l’aumônier, s’étranglent les rapporteurs qui interdiront bientôt au colonel de s’y montrer pour éviter toute pression.
On saluera l’intervention pertinente de l’ex-LREM Son-Forget sur les corniches clandestines, qui fleurissent aux marges de prépas militaires aseptisées par la république. Le même souligne en séance la fixation obsessionnelle du rapporteur-chef Lachaud sur la messe de la Saint-Michel.
Des députés qui jouent aux généraux
Mais ces points de détails ne rendent pas compte d’un rapport emblématique de la majorité parlementaire, épais, ennuyeux et brouillon, que nous avons dû lire intégralement, une vraie pénitence de carême, un rapport par ailleurs inquiétant par la violence de certaines insinuations et la stupidité abyssale de ses propositions.
Qui en sont donc les auteurs? M.Lachaud, prof d’histoire-géo, ancien maire socialiste, puis mélanchoniste; M.Lejeune LREM, ancien maire en Haute-Saône qui s’enorgueillit d’avoir célébré le premier mariage de lesbiennes militaires ; M.Cavournas, franco-grec, parti socialiste puis LREM, homosexuel pacsé; Mme Khedher, infirmière franco-tunisienne, parti socialiste puis LREM; Mme Mauborgne, infirmière, gauche écolo ; Mme Puyeto, socialiste tendance Bayrou LREM.
Tout ce beau monde aura donc pendant 9 mois voyagé au frais du contribuable et mangé à la table du colonel ou du général pour harceler une institution dont elle ne connaît et ne comprend rien, y projeter ses fantasmes et produire un pavé indigeste. Pire, sans la moindre vergogne, ces personnes importantes « osent tout » : elles expliquent à l’amiral commandant la Force océanique stratégique comment gérer ses sous-mariniers ou à l’évêque aux armées les formations qui manquent à ses prêtres.
Nous ne reprendrons pas tout le rapport, ni ses 61 propositions, à l’exception de quelques-unes qui le valent bien. Mais, avant d’y arriver, il faut en élaguer le premier tiers qui pontifie sur des généralités, « inégalités sociales », « diversité », « égalité des chances », et bien sûr « discriminations » qui sont: «des différences de traitement illégitimes, le plus souvent subreptices, inspirées par des préjugés ou des généralités, qui entretiennent des rapports complexes avec les inégalités de toute nature et qui mettent en évidence des rapports de domination entre groupes sociaux au sein d’une société. À ce titre, elles sont considérées à juste titre comme un fléau pour (…) les fondations de la République.» Fermez le ban!
Ensuite les rapporteurs découvrent ce que tout le monde sait: il existe dans les armées des corps d’inspection et de contrôle, des instances de concertation et de dialogue, des conseils de la fonction militaire, des représentants de catégories, des systèmes de sélection sérieux avec des concours où « l’égalité des chances » est respectée entre blancs, noirs, beiges, jaunes ou homosexuels (les femmes privilégiées par le barème du sport échappent à la règle et cela échappe aux rapporteurs). Voici donc des dizaines de pages inutiles, un exercice de copier-coller fastidieux dont ils auraient pu dispenser leurs attachés parlementaires.
Viennent ensuite un enchevêtrement d’anecdotes, de considérations partisanes, d’observations déconcertées, de préjugés gauchistes sur le harcèlement: « il est gênant qu’un militaire du rang dans l’armée de terre soit sanctionné de vingt jours d’arrêt quand, pour le même fait, l’officier de marine n’aura que cinq jours d’arrêt » (sic), d’injonctions comminatoires entrecoupés de propositions ridicules, inconsistantes et parfois même ignobles, nous y reviendrons.
La guerre à la discrimination
Emblématique est la n°1: « ouvrir le recrutement étranger aux femmes dans la légion étrangère. »
Les rapporteurs n’y ont pas mis les pieds, ils n’en connaissent rien, ils n’ont aucun argument et se moquent de l’efficacité de nos forces, du succès de nos armes et de la défense du pays. Mais ces féministes à outrance, après avoir investi les sous-marins et décroché la matraque des gendarmes mobiles, veulent réduire ce dernier îlot de discrimination.
Bien sûr, certaines femmes ont comme certains hommes toutes les aptitudes et le sang froid pour conduire un Rafale ou un sous-marin et, accompagnées, pour matraquer un manifestant. Nous saluons ici toutes celles, nombreuses, qui courageusement s’acquittent impeccablement de leur mission sans crier à la discrimination ou au harcèlement à chaque contrariété de notation, d’avancement, de mutation ou de sentiments. Mais la question est ailleurs: la sociologie d’un groupe d’hommes en présence de femmes est plus compliquée, deux crash aériens meurtriers avec équipages militaires mixtes sont là pour nous le rappeler. Et même si le rapport envisage les solutions les plus abracadabrantes pour concilier grossesse, avancement, opérations sous-marines ou de maintien de l’ordre, la présence de femmes dans les forces armées, positive dans une mesure raisonnable, ne répond pas à un besoin militaire. Elle coûte au contribuable des millions d’euros (aménagement des sous-marins, des cockpits, des infrastructures, des mutations) et génère névroses, déceptions et maltraitance prénatale puisque le rapport propose de «mettre fin à la pratique de l’affectation systématique à terre des jeunes femmes enceintes», sans parler des incontournables problèmes de promiscuité que les rapporteurs constatent: en OPEX une tente séparée pour les filles les déconnecte de l’activité de leur section, alors il faut les mélanger….mais pas trop non plus, un véritable casse tête pour le commandement qui a bien autre chose à gérer. Et nos rapporteurs découvrent ingénument que les épouses des sous-mariniers et des parachutistes n’y sont pas trop favorables. Trouble dans les forces, trouble dans les familles. Peu importe! Il leur a été signalé « des coiffures blessantes, qui laissent des marques au front des femmes militaires» . Réaction ferme par une proposition 32: « suivre un indicateur de la satisfaction du personnel féminin à l’égard de ses effets et remplacer immédiatement les effets blessants ou dangereux ». Nous voilà rassurés.
Plus de formation militaire
En corniche, on a pas encore l’habileté et le tact des colonels pour recevoir les inquisiteurs de la Macronie. La féminisation à outrance suscite les mêmes réticences qu‘ailleurs mais l’expression en est plus brutale et le culte de la république y est moins bigot. Alors le rapporteur-chef s’acharne sur les collèges préparatoires et se livre: « Libération publia une série d’articles sur la persistance de dérives misogynes, de propos racistes, et de bizutages au lycée militaire de Saint-Cyr l’École. Voilà ce qui a motivé la création de notre mission d’information». Il règle au passage ses comptes avec des professeurs de section lettres, que nous saluons ici, dont il signale avec insistance l’absence (boycott?) pour sa visite. La proposition n° 41 est à la mesure des enjeux stratégiques de défense de la France: « sanctionner immédiatement les élèves qui refusent de parler aux femmes, veiller à ce que les élèves commettant de tels faits soient exclus de tout lycée militaire et des concours des grandes écoles militaires ». En prépa la féminisation apporte donc la courtoisie, mieux, en école elle va adoucir les bahutages: à Saint-Cyr il ne faut plus se baigner dans la boue de Bazard Beach, c’est sale; à Navale il ne faut plus sauter dans le filet du grand pavois, c’est dangereux. Polytechnique a droit à un long chapitre qui dénonce beuveries et sexisme. Nos parlementaires n’aiment pas les grandes écoles et ils ne s’en cachent pas, «bien conscients que leur propos emporte une remise en cause plus générale du fonctionnement des classes préparatoires et des grandes écoles en France, (ils) assument pleinement cette prise de position. » (sic). Certes, ils n’en auraient pas réussi les concours.
De plus, la sélection sur des critères scientifiques est plus objective que celle d’un jury « culture générale » qui peut écarter les mal-pensants et privilégier la « diversité » mieux qu’un problème de mathématiques. Il s’agit, lit-on, de casser « le manque de diversité des grades supérieurs des armées » car « l’environnement familial de la majorité des candidats aux écoles militaires est marqué par la pratique du catholicisme et du scoutisme ». Hélas.
Le rapport nous inflige plusieurs pages sur la discrimination intolérable dont sont victimes les porteurs du VIH, inaptes médicalement, et demande qu’on révise les critères de sélection; on administrera la trithérapie à bord. Autre scandale, les végétariens et végétaliens trouvent du bœuf dans les rations de combat. Action. Proposition n° 34 : « proposer des rations de combat végétariennes avec un apport en protéines végétales suffisant. » Les musulmans quant à eux ont depuis longtemps leurs rations halal dont les autres doivent parfois se contenter.
La question religieuse taraude nos rapporteurs : ils veulent instrumentaliser les aumôniers dans la lutte contre les discriminations et citent avec bienveillance des aumôniers musulmans, rien sur les prêtres catholiques en première ligne en OPEX qui sont autrement présents. Le parti pris atteint des sommets d’abjection dans la proposition n° 29 : «veiller à ce que les pèlerinages militaires cessent d’être financés par le ministère des Armées ». La seule et unique contribution financière des armées aux pèlerinages militaires est le transport aérien à Lourdes de grands invalides de guerres mutilés ou paralysés, des gosses de 25 ans dont la vie a basculé dans une vallée du Panshir ou au détour d’une piste africaine. Qu’ils se paient, en train, un voyage beaucoup plus pénible, ordonnent nos députés, se gobergeant dans les ors de la république! C’est ignoble.