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Quand Belloc dénonçait notre relativisme… il y a 80 ans

Reprenant l’histoire de la Réforme protestante, Hilaire Belloc montre à quel point cette nouvelle théologie a accouché d’une nouvelle politique, instituant de nouvelles puissances, et comment le catholicisme, fasciné par les succès du protestantisme, s’est laissé aller à se protestantiser c’est-à-dire à mettre le libre examen au-dessus de toute autorité – au risque évident de se dissoudre et de se perdre.

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Quand Belloc dénonçait notre relativisme… il y a 80 ans

Dans le dernier chapitre de Les Grandes Hérésies (1938), Hilaire Belloc traite de « l’entreprise de destruction » moderne manifeste dans l’Église et « à tous les plans de la vie sociale ». Cette « entreprise » décrite par Belloc (mort en 1953) a aujourd’hui une intensité accrue et a proliféré en d’autres avatars, déclinaisons d’une seule et même « hérésie », si l’on garde le lexique bellocquien. Quelle serait cette hérésie fondamentale, ce vice de la foi qui peut rendre raison de la théorie des maux intellectuels, individuels et sociaux pesant sur nos sociétés modernes ? Il me semble, bien que Belloc n’utilise pas le mot comme tel, qu’il s’agit du relativisme. On le sait, la dénonciation de ce dernier fut chère à Benoît XVI pour qui il synthétisait la crise de foi et intellectuelle. Pour le relativisme, tout se vaut et rien n’est fondé en vérité ; la seule vérité qui soit est qu’il n’y a pas de vérité et tant pis pour le sophisme. Cette crise de l’Occident moderne, ramenée au relativisme, plonge ses racines dans la réforme protestante. Il est donc utile de faire un peu de généalogie et de tracer, à grands traits, cette phase réformante.

Dans sa perspective généalogique, Hilaire Belloc voit dans la crise protestante l’issue d’une série de traumatismes déstabilisants : l’abandon de Rome par la papauté, la peste noire, le Grand Schisme. Le résultat de ces trois traumas majeurs fut de fragiliser l’unité politique européenne et de relativiser l’autorité du Siège romain ; cette période tourmentée a mis en évidence et exacerbé le sentiment national au détriment de l’unité ecclésiale. La connexion profonde entre politique et expression de la foi est une des caractéristiques de l’analyse bellocquienne ; Hilaire Belloc voit derrière chaque fait politique ou social une signification religieuse et derrière chaque fait religieux ses prolongements politiques. Ainsi de l’épidémie de peste de 1347, par exemple : « L’épidémie n’ébranla par seulement la structure physique et politique de la société européenne ; l’horreur semant partout le désespoir, elle atteignit la foi jusqu’en ses fondements. »

La modernité, fruit de la Réforme

La fin de cette période, à la faveur de modifications profondes, voit naître « une nouvelle culture religieuse distincte, séparée et hostile à la culture catholique », culture allant, avec Calvin, jusqu’à la constitution d’un corps de doctrine rival du catholique. Le résultat de cette scission, nous le connaissons : il est religieux et, une fois encore, politique. En effet, le protestantisme, économiquement et politiquement parlant, se montra plus vif, occupa le devant de la scène européenne avec l’affirmation de l’Angleterre et des Pays-Bas, avant de voir apparaître les États-Unis. L’avancée politique et économique du protestantisme, aux dépens du catholicisme et de sa culture, instaura un nouvel universalisme et un intérêt mimétique pour les idées, fondées en théologie, qu’il apportait avec lui : « [la culture protestante] parvint à briser les traditions et les appartenances traditionnelles qui avaient formé le cadre de la société catholique durant des siècles : à son contact la structure sociale se fluidifiait toujours davantage, libérant des énergies que le catholicisme avait maintenues dans d’étroites limites – notamment l’esprit de compétition. » Dans la construction du monde moderne, si les deux pôles culturels œuvraient, le protestant avait une longueur d’avance de sorte que l’on peut dire que l’avènement de la modernité (émancipation, libéralisme, capitalisme, développement bancaire, etc.) est le fruit de la Réforme.

Le constat est donc le suivant : un protestantisme entreprenant, influent mais de moins en moins porté sur le sentiment religieux, et un catholicisme lent, à la remorque, mimétique par certains aspects, et « déprimé » mais encore largement dévot : « De quelle réalité fondamentale témoignaient ces signes extérieurs, à savoir la puissance ascendante du côté protestant et la chute progressive du côté catholique, sinon de la crise spirituelle alors en cours au cœur de notre civilisation ? La foi s’effondrait tout simplement. Comme on l’a dit, la montée du scepticisme ne dérangeait pas la culture protestante [… ] Et pour cause : le trait le plus saillant de son esprit consistait à poser comme absolu le principe du libre-examen, c’est-à-dire la liberté pour chaque homme de juger par lui-même ; la seule chose que cette culture récusait de toutes ses forces était l’autorité d’une religion commune. La situation était en tout point différente au sein de la culture catholique, naturellement structurée autour d’une communauté de religion ; c’est pourquoi le rapide affaissement de la croyance y causa de tels ravages. L’autorité morale des gouvernements – étroitement liée à la religion – en sortit ruinée. »

Si l’on entend bien le propos de Belloc, les problèmes internes au catholicisme à partir du XVIIIe siècle sont la conséquence de l’attitude mimétique développée au contact du protestantisme plus fort. Ce pli sera plus marqué encore avec la Révolution et les guerres napoléoniennes ; l’avènement de la puissance prussienne est l’un des effets de la même dynamique faite d’affaiblissement de la culture catholique et d’un protestantisme énergique du point de vue social et politique, même si chaque fois moins religieux : « La Prusse s’imposa comme la puissance germanique dominante ; s’adjoignant la population catholique du Rhin, elle entama un bras de fer victorieux avec les Habsbourg. La France s’enfermait dans un cycle incessant d’expérimentations et de ruptures politiques, qui se nourrissait d’une profonde division religieuse [… ] La culture protestante ayant pris l’ascendant, toute la culture blanche [i. e. catholique] s’efforçait tant bien que mal de lui emboîter le pas. [… ] Le nouveau système industriel qui en tout lieu transformait les conditions d’existence, les nouveaux modes de communication et d’échange d’idées, des hommes et des biens étaient essentiellement des produits de la culture protestante ; sur ce plan, les nations catholiques ne faisaient qu’imiter leur devancière. »

La voie subjective et critique

Donc, la société catholique, sans réussir à rétablir l’Église comme centre spirituel, imite la protestante qui, elle, de son côté, vit une dégringolade religieuse et dogmatique : « La culture protestante se fissurait de l’intérieur pour de multiples raisons ; toute liées entre elles sans doute, bien que leurs relations soient complexes à discerner, et résultant toutes à l’évidence de cette empoisonnement intrinsèque que les biologistes appellent “une auto-intoxication” : ainsi définit-on l’état d’un organisme qui se met à sécréter des substances nocives, amenuisant son énergie jusqu’à l’altération de ses propres fonctions vitales et aboutissant parfois à la mort. »

Après l’autorité de l’Église, c’est celle des Écritures qui est remise en cause et la doctrine du libre examen, l’emportant sur celle de la scriptura sola, entraîne le protestantisme à saper ses propres bases. Contaminé par le modèle protestant, le catholicisme marqua de nouveaux signes d’affaiblissement, bien que plus tardivement, et s’engagea lui-aussi dans une voie plus subjective et critique : « à ce jour aucun signe ne permet d’envisager une reconquête historique du catholicisme, pas plus que la restauration pleine et entière de la foi originelle – pourtant seules capables de sauver l’Europe et l’ensemble de notre civilisation. Lorsqu’on parvient à se débarrasser d’un mal [i. e. le protestantisme dogmatique], il en émerge très souvent un autre, jusqu’alors insoupçonné. Tel est le cas aujourd’hui. L’ère dans laquelle nous sommes entrés expose l’Église à des périls aussi redoutable qu’inédits. J’ai nommé “phase moderne” cette nouvelle page de notre histoire… »

« L’attaque moderne professe une royale indifférence envers ses propres incohérences. »

Aboutissement de la Réforme, de la redistribution des cartes qu’elle a opérée et, simultanément, du mimétisme catholique, cette phase aiguë de danger moderne pour le catholicisme, religion et culture, n’est pas une hérésie particulière, à l’instar des anciennes, mais une attaque polymorphe contre l’existence même de la foi et de l’Église : « l’enjeu étant la survie ou l’anéantissement de l’Église catholique. Nous parlons bien de toute l’Église et non de quelque fragment de sa philosophie. » Belloc a des accents apocalyptiques pour décrire la portée de la crise contemporaine : « l’affrontement met face à face l’Église et l’anti-Église, l’Église de Dieu et l’anti-Dieu, l’Église du Christ et l’Antéchrist. »

L’attaque moderne est vue comme une « entreprise de démolition » caractérisée par un retour au néopaganisme, différent des anciens et dont l’élan est le rejet de l’ensemble de la pensée catholique. Il est à la fois matérialiste et superstitieux, marqué par l’abandon de la raison pour ne recevoir comme vraies « que les seules vérités résultant directement de l’expérience. » Aussi, à ce titre, puisque rien n’est fondé en raison, en matière religieuse ou philosophique rien ne peut être vrai ou tout peut l’être, même les contraires, voire les contradictoires : « l’attaque moderne professe une royale indifférence envers ses propres incohérences ». Pour Belloc, cette indifférence dogmatique au vrai – caractère essentiel du relativisme – est le fruit de son athéisme, car Dieu est la vérité : « Les dupes intégraux, c’est-à-dire les moins vicieux parmi les convertis à l’ennemi, évoquent vaguement un “réajustement, un nouveau monde, un nouvel ordre” ; mais ce faisant, ils ne précisent pas les principes sur lesquels cet ordre devrait être institué. Ils ne nous indiquent jamais les desseins qui sont les leurs. »

Évidemment, cette crise morale, philosophique et religieuse a des conséquences sociales et politiques. Les grands totalitarismes du XXe siècle en sont une, la déliquescence des sociétés occidentales modernes, une autre, et l’ensemble est « le fruit ultime de la dissolution de la Chrétienté entamée lors de la Réforme ; ce même mouvement qui commença par s’opposer à tout principe d’autorité centrale, pour finir par convaincre l’homme qu’il se suffisait à lui-même, lui enjoignant d’élever partout de grandes idoles auxquelles vouer des cultes divers et variés. »

La rivalité mimétique aboutit au relativisme

Les fruits empoisonnés de la crise moderne sont de divers ordres. Le premier, social, est « la résurgence de l’esclavage ». Le libre-arbitre nié, l’homme n’est qu’un rouage sans aucune responsabilité, parfaitement asservissable par des systèmes puissants. À terme, l’homme, impersonnel, devient quelque chose d’indifférencié, sans ouverture sur aucune forme de transcendance : un produit comme un autre. Au niveau moral, l’absence de normes fondées sur une nature humaine responsable entraîne un délitement qui culmine selon Belloc dans la « cruauté », « car ne prédomine plus cette conception que l’homme est quelque chose de sacré. » Enfin, pour l’intelligence, il s’agit essentiellement d’un dénigrement systématique de la « raison » : « L’ancien procédé de démonstration par la preuve et par l’argument est remplacé par l’affirmation réitérée », de telle sorte que « l’on peut prouver tout et n’importe quoi ». Au niveau politique, cela se traduit par l’usage de la puissance arbitraire à des degrés divers.

Pour conclure, le protestantisme brisa l’unité occidentale en espace bipolaire aux contours politiques – chez Belloc, la politique n’est jamais qu’une théologie pratique – et idéologiques : le pôle catholique traditionnel, marqué par une désagrégation lente, et le pôle protestant, dominé par l’esprit du libre examen. Ce dernier plus fort politiquement et économiquement que le premier l’a influencé et modelé, pour une part ; nous en subissons encore les effets néfastes alors qu’idéologiquement parlant ce pôle protestant n’existe presque plus. Le relativisme moderne, et ce qu’il engendre, sont donc un effet de cette évolution basée sur le mimétisme. « Nous voici au rendez-vous, devant la plus cruciale des questions qui furent jamais posées à l’esprit humain. Nous voici à la croisée des chemins : du choix que nous ferons dépend l’avenir de notre race. »

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