En effet, la démarche des auteurs n’est pas essentiellement descriptive : bien entendu, ils retracent pour nous la genèse et les fondamentaux de cette techno-science, et ils nous éclairent sur les perspectives étonnantes ouvertes dans de multiples domaines susceptibles d’affecter de tous côtés notre quotidien, notre mentalité, notre avenir et celui de nos enfants.

L’intérêt de l’ouvrage résiste fort bien à la désuétude, car le regard de nos auteurs dépasse la simple prospective ; en effet, il relève de la prudence au sens vertueux du terme ; les progrès réalisés techniquement en 2019 le permettaient largement ; le phénomène faisait déjà l’objet d’une littérature technique, théorique, voire philosophique, suffisamment abondante pour justifier non une remise en question globale, mais du moins une étude raisonnée et critique articulée et construite à l’aide de critères qui ne vieillissent pas, et d’interrogations essentielles, telles que : et l’homme dans tout cela ? Quelle responsabilité lui restera-t-il ? Comment cohabiter avec ces techniques, ces copies si adroites, cette inquiétante concurrence des machines toujours plus performantes ? Quelle éthique adopter ?

Au fil de l’ouvrage, nous découvrons l’ampleur de la menace si nous ne répondons pas en toute liberté à ces questions, et si nous renonçons à conserver à tout prix la maîtrise et la direction des opérations. Les auteurs ouvrent des pistes exigeantes mais simples : primauté de la dignité humaine, en particulier par le travail, recul et prise de hauteur critique, notamment à l’égard des théoriciens atteints d’hubris, maintien des références morales fondamentales.

Marie David et Cédric Sauviat, Intelligence artificielle. La nouvelle barbarie. Éd. du Rocher, 2019, 320 p., 18,90€.