Quand nous allons au cirque, nous sommes prêts à nous amuser, à frémir, à nous émerveiller.
Nous nous attendons à ce que les clowns soient drôles, les jongleurs étourdissants, le magicien stupéfiant, nous nous attendons à ce que les trapézistes nous fassent frissonner dans leurs audacieux élans tout en haut, et sans filet. Certains, mais pas tous, se demandent si le lion ne va pas dévorer le dompteur. Nous nous précipitons pour retenir nos places et celles de nos enfants, à condition toutefois qu’il s’agisse d’un bon cirque.
La république à la française est un cirque, mais un mauvais cirque. Les clowns éructent des plaisanteries éculées, les équilibristes ratent leurs numéros, les trapézistes sont plutôt des écumeurs de vieilles balançoires, le magicien ne parvient pas à faire jaillir le moindre lapin même en peluche de son chapeau ; quant au lion, c’est plutôt lui qui est dévoré, mais par les mites !
Du coup, les gradins sont vides, ou au mieux très clairsemés, les spectateurs restent chez eux plutôt que d’assister à un mauvais spectacle dont le financement, pour comble, leur est imposé, qu’ils se déplacent ou non !
Les affiches, où apparaissent les bobines plus ou moins gracieuses des prétendues vedettes du barnum, leur proclament pourtant que les spectateurs sont les souverains du chapiteau, que tout est fait pour leur plus grand plaisir et que la soirée sera inoubliable… C’est en réalité un gigantesque bide ; et pourtant, à la fin du spectacle, Monsieur Loyal transforme la piste en plateau-télé, et s’évertue à faire parler le clown raté, le trapéziste de balançoire, le magicien calamiteux, pour dresser un bilan, qu’il espère passionnant, de ce spectacle désolant : peine perdue, les rares spectateurs attardés s’en vont, de plus en plus furieux, en traînant leurs enfants criaillant de n’avoir pas eu de glace à déguster ni de cacahuètes à grignoter.
Transposons. Citoyen-spectateur-cochon-de-payeur-abstentionniste, apparemment, tu ne trouves pas normal…
Que ton député ne s’intéresse à toi que le jour de son élection pour n’obéir ensuite qu’aux directives de son parti, qu’il se moque bien de tes humbles soucis quotidiens, et gare à toi si tu protestes trop fort !
Que les dimensions des bananes que tu achètes au supermarché de ton quartier soient fixées à Bruxelles par des fonctionnaires grassement payés par tes impôts.
Que tes enfants apprennent à ne pas savoir lire et écrire à l’école.
Que des rencontres sportives tournent à l’émeute menées par des voyous qui haïssent la France.
Que dans toutes les grandes villes de France (ainsi que dans beaucoup de moyennes) il y ait des zones où la police, les pompiers, les médecins même ne pénètrent pas sans être attaqués, où des gamins de dix ans servent de guetteurs-supplétifs aux caïds de la drogue qui règnent en « parrains » criminels.
Que la nationalité française soit accordée à des gens qui ne parlent pas ta langue.
Que ton armée soit reconnue incapable de soutenir plus de quelques jours un conflit de haute intensité.
Que la vie des Français ne soit pas garantie à leur conception, et qu’il soit question de légaliser l’euthanasie des anciens, laquelle se pratique déjà à bas bruit, par le biais d’une loi de vicieux compromis.
Que les élus t’assomment avec leurs prétendues valeurs et se conduisent en tartuffes d’une fausse religion.
Non, vraiment, ce cirque républicain et son programme sont mauvais ; d’ailleurs, il paraît que son directeur actuel, qui est un très mauvais, va rencontrer quelques difficultés à la suite d’un récent renouvellement de personnel…
Illustration : Grimaces et misère – Les Saltimbanques. Fernand Pelez