Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Depuis Chesterton et son Père Brown, le polar catho n’a guère fait école. Pourtant, en 2013, un éditeur régional a connu un triomphe en librairie avec L’ombre rouge de la vieille ville, premier roman du Père François Weber, prêtre de l’Oratoire de Saint Philippe Néri. Aujourd’hui, en parallèle de l’édition de poche du premier opus, un second tome paraît chez un éditeur parisien. Recette d’un succès.
Un tueur en série lâché dans les rues du vieux Nancy, voilà le genre de publicité dont les autorités se seraient bien passées … Jusque-là, elles avaient réussi à mettre les crimes sur le dos de voleurs de cartes bleues, et à en camoufler quelques-uns en suicides et accidents. Hélas, en cette belle soirée de septembre, la huitième victime s’était fait occire devant témoins, nombreux, et très choqués : ce n’est pas tous les jours que l’on voit une épée jaillir d’un mur pour transpercer un ivrogne puis disparaître … Préfet et procureur étaient arrivés à la même conclusion : le monstre qui semait la terreur dans la capitale lorraine n’était pas humain. Et ce n’était pas avec les méthodes scientifiques de la police moderne qu’on arrêterait le carnage. Ils l’avaient assené au commissaire Maubreuil sidéré, avant de lui imposer l’assistance d’un couple de « spécialistes du paranormal » sensé déterminer la nature exacte du phénomène.
Ainsi débuta le pire cas de hantise et de possession auquel Charles et Sonia Cherrières, assistés d’amis prêtres et exorcistes, eussent été confrontés. Débarrasser Nancy du fantôme d’un chevalier du Téméraire décidé à venger la mort de son duc ne serait pas une partie de plaisir.
En mêlant à une intrigue criminelle proprement diabolique sur fond de régionalisme bien utilisé une forte dose de surnaturel, le père Weber a touché un vaste public : amoureux de la Lorraine et de son histoire, amateurs de romans policiers, adeptes du fantastique. Tout cela est assez noir, assez dur, assez bien mené, pour permettre à l’auteur d’en arriver là où il veut conduire, mine de rien, ses lecteurs, autrement dit à une réflexion sur notre société sans Dieu, son recours, toujours plus fréquent, à des pratiques magiques jamais innocentes, et sa tragique ignorance des vérités de la foi catholique.
François Weber, et c’est là tout l’intérêt de l’affaire, n’est pas seulement un écrivain habile qui maîtrise à la perfection un sujet difficile ; c’est aussi, et d’abord, un prêtre sensible aux influences démoniaques dans notre monde. Cette quête d’une âme en peine, emportée par la haine et le désir de vengeance, incapable de trouver le repos éternel, est une remarquable catéchèse sur la grâce, le péché, la rédemption, les fins dernières, les agissements de Satan, la miséricorde divine, sujets peu prisés du grand public. Il s’est pourtant jeté sur ce remarquable « thriller » que l’on ne peut effectivement lâcher avant la dernière page.
En a-t-il, et les jeunes en particulier, que la lecture d’Harry Potter a poussés vers les pratiques magiques, tiré les conséquences ? C’est à eux que s’adresse plus spécialement le second tome des aventures des Cherrières, Les falaises d’ocre.
Après la naissance inespérée de ses jumeaux, le couple a renoncé a sa dangereuse profession. Les années ont passé, jusqu’à ce coup de fil du commissaire Maubreuil, en vacances dans le Luberon : lors d’une soirée d’étudiants à Roussillon, une amie de sa fille a disparu. Selon la version officielle, et les témoins, France, sans doute ivre, est partie seule en pleine nuit sur les falaises et a fait une chute mortelle. Explication plausible si l’on avait retrouvé son corps … mais celui-ci semble s’être volatilisé. Cette disparition aurait-elle un lien avec les étranges lumières aperçues sur les routes de la région ? Quoique peu convaincu, Charles accepte de se déplacer.
Un moment, l’on se demande, un peu déçu, si le Père Weber, peinant à se renouveler, ne se borne pas à raconter, joliment d’ailleurs, une seconde fois la même histoire, en se contentant de changer de lieu et d’époque. Puis l’évidence apparaît : sur la même trame, il raconte une autre histoire. Michel Reymond, le revenant vaudois des collines du Luberon, assassiné dans des dispositions spirituelles bien différentes de celles du chevalier bourguignon, n’a pas laissé l’esprit des ténèbres l’emporter sur sa liberté d’enfant de Dieu.
C’est toute la théologie du libre arbitre, de la grâce, de la miséricorde, de la valeur des sacrements que le Père Weber expose par la bouche d’un fantôme attachant, en même temps qu’une mise en garde argumentée contre les pratiques occultes. On attend la suite avec curiosité, et sympathie.