On avait salué sa première édition en 2018, resaluons sa parution en poche.
La Mémoire des croquants est une somme exceptionnelle où J.-M. Moriceau a collationné chroniques, livres de raison, dossiers judiciaires, cahiers de doléances, mémoires et autres journaux en s’attachant à ne traiter que de ce que l’Histoire n’a pas retenu : les vendanges de nuit à Metz, en 1444, pour échapper aux écorcheurs et gagner 5 sols pour une baixowe [un tonneau] de vendange, la restauration du four banal à Thiais en 1488, le fait que Marguerite, Thévenotte et Jeannette, filles de Jean Tixerant, se firent attraper en 1507 en train de pêcher dans l’étang seigneurial et l’arrêté du conseil de la communauté de Roquebillière, en Vésubie, qui décida en 1537 que faute de bœuf, on pouvait atteler des vaches pour labourer. Car la vie des petits est faite de bonnes et de mauvaises années, de pillards et de loups, de beau temps et de belles récoltes, de truie qu’on pend le 27 mars 1567 dans le Valois et d’excellents vins en 1583 avant que les gelées ne détruisent les vignes en 1630. Année après année, les croquants ignorent tout de la marche grandiose du monde : ils ne voient que les bandes armées qui les ravagent ou leurs propres révoltes contre les impôts. Courez à l’index thématique et perdez-vous dans les occurrences de Porcs, Attaques de loups et Chasse avant de picorer le Bourrelier de la page 679 et la Comparsonnerie de la page 86.
Jean-Marc Moriceau, La Mémoire des croquants. Chronique de la France des campagnes 1435-1652. Tallandier, 2023, 860 p., 13,90 €