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Perplexités juridiques

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Perplexités juridiques

Le droit est « l’ensemble des règles qui régissent les rapports entre les hommes »… « Ce qui constitue le fondement des droits de l’homme vivant en société », d’après le grand Robert. D’après Bossuet, « le droit n’est pas autre chose que la raison même ». Avec cela, nous savons tous que le droit est une chose très ancienne, héritière du droit romain ; voilà qui est rassurant, nous sommes en terrain reconnu et stable.
Eh bien, pas du tout ! Le bel et vénérable édifice, imprégné de sagesse antique, arrimé au socle chrétien de notre civilisation, duquel nos magistrats reçoivent leur prestige, voire leur majesté, est un chef-d’?uvre en péril.
Ce livre, écrit par une dizaine de juristes et d’historiens du droit, est là pour nous le démontrer, à travers un sujet des plus sensibles : le corps humain, son statut, son avenir même.
Articulé en dix articles répartis en quatre séquences, Corps symbolique, Corps sensible, Corps en pièces, Corps fictif, cet ouvrage est un parcours historique, culturel et thématique et aussi un questionnement sur les sujets d’actualité des plus graves, dont le traitement engage rien moins que l’avenir de notre société.
La dimension historique nous ramène à l’antiquité grecque et sa vision médicale du corps de la femme, nous dévoile l’importance accordée à l’empreinte corporelle du roi (cheveux et poils) chez les mérovingiens et les carolingiens, nous convie à un parcours tourmenté et obsessionnel avec le poète-juriste François Villon, à une découverte du Sacré-Collège romain, pars corporis papae, et à une étude très éclairante de l’héritage anthropologique des Lumières.
La partie actuelle traite de l’indisponibilité du corps humain, de l’encadrement des dons d’organes, du risque de marchandisation du corps humain, et enfin de l’inquiétant problème de sécurité juridique des personnes qui se pose avec l’apparition invasive du tout numérique. Ce qui impressionne, de la part des auteurs, tous de haut niveau de compétence et d’expérience, c’est le nombre de questions posées sans réponse ferme, et le sentiment de perplexité, voire d’inquiétude, qui se dégage de leurs développements. Ce qui autrefois paraissait immuable est aujourd’hui systématiquement remis en question, et le droit, qui a besoin de temps et de mûrissement, qui est en principe fondé sur une anthropologie naturelle et réaliste, se trouve constamment en décalage avec l’intrusion violente et simultanée du scientisme et de l’individualisme et la perte de repères qui en résulte ; on en vient à se demander sérieusement que penser des dons d’utérus, de la personnalité juridique des robots animés de l’intelligence artificielle, et du devenir de la protection de la vie privée.
Comme il est dit dans la préface de l’ouvrage, l’élaboration d’un droit du corps est à faire, dans le respect de la réalité, et de la « nature des choses et des hommes » ; qu’il nous soit permis d’ajouter que le droit sans la loi n’est rien, et que la loi sans un ancrage spirituel transcendant est encore moins que rien. n CW

Corps et Droit. Des cheveux du roi mérovingien à l’homo numericus. Sous la direction de Claire Bouglé – Leroux. Editions Lexis Nexis, 2019, 164 p., 39 €.

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