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PAPACITO, JÉSUS, LES CADAVRES ET RENÉ GIRARD

Papacito a une vision du christianisme très proche de celle de René Girard : il voit dans la fraternité le rempart contre la barbarie.

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PAPACITO, JÉSUS, LES CADAVRES ET RENÉ GIRARD

De René Girard, on connait habituellement deux choses, toujours les mêmes, à savoir l’idée du bouc-émissaire et le rapport du sacré à la violence. On connaît moins sa lecture du christianisme. Certains, certes, vous diront que Girard en avait une lecture non-sacrificielle mais tous ne savent pas expliquer ce qu’on entend par là. Quoi qu’il en soit de la compréhension de ce non-sacrificiel, René Girard a, sur ce point comme en d’autres, évolué et changé d’avis : la notion de sacrifice appartient bien au christianisme qui l’assume et la transforme. Cette méconnaissance des idées girardiennes sur la question est due en grande partie au désintérêt que suscite le christianisme.

Où Papacito décide de laisser les cadavres tranquilles

Les idées girardienne sont parfois professées de façon très brute, probablement sans le savoir ; preuve de la pertinence de cette pensée féconde. Ce fut le cas lors d’un entretien donné par Papacito, le blogueur à la langue bien pendue. Dans une conversation plus que familière sur des sujets variés, à propos des traits d’humour d’un chroniqueur-amuseur de l’émission Quotidien visant le magasine Jésus, il dit ceci : « Ce qu’il faut qu’il comprenne ce mec-là, c’est que Jésus c’est le mec qui empêche des mecs comme-moi d’enc*ler son cadavre à lui. » Et plus loin : « Avant que Jésus ne dise stop on n’enc*le pas les cadavres, c’étaient des mecs comme moi qui règnaient ». Pour Papacito, si le christianisme disparaissait, les mecs comme lui redeviendraient barbares avec la violence qui sied à cet état.

On pourrait croire, de prime abord, qu’il fait appel à la mission civilisatrice du christianisme transformant les barbares en gentils garçons, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. La mission civilisatrice n’est qu’une conséquence d’un renversement inouï dont Girard n’a eu de cesse de parler et que Papacito décrit ici dans un langage direct.

Où le christianisme décide de renoncer au cadavre

Le cadavre ! C’est lui qui doit mettre la puce à l’oreille. Il traine partout chez Girard. Il est le signe du sacrifice. La culture et les religions sont bâties sur un cadavre, celui du bouc-émissaire, c’est-à-dire de l’individu, de la communauté et hors d’elle, choisi presque au hasard – tout individu est sacrifiable, en théorie pour être sacrifié afin de rétablir la paix du groupe mise à mal par les rivalités. Plutôt que de s’entre-déchirer, on choisit un individu que l’on accuse, en parfaite bonne foi, d’être coupable du désordre communautaire et on le tue. Ce meutre initial est l’origine de la culture, mausolée destiné à camoufler et le crime et le cadavre. Le sacré, quand à lui, divinisera celui qui avait le pouvoir de faire tant de mal et qui par sa mort refonde la paix. Aussi pour Girard toutes les religions sont construites autour du meurtre. Par la violence du rite, mimétique et parfois vériste (sacrifices humains), qui rejoue le meutre initial, elles canalisent la violence incontrôlable du groupe. La religion archaïque, donc, est à la fois un contre-feu à la violence, et un signe perpétuel de la violence initiale.

Le chrisitanisme rompt avec cela. Pourquoi ? Parce qu’avec les textes de la Passion le bouc-émissaire est déclaré innocent pour la première fois, il est dévoilé comme bouc-émissaire, justement. Le meurtre, et ce qui qui en découle, n’est plus efficace ; la révélation chrétienne met au jour le mécanisme pervers. La victime est manifestée dans son innoncence et les bourreaux vus comme tels. Le système sacrificiel arachaïque ne fonctionne plus, le christianisme a privé l’humanité de sa béquille sacrificielle : par son sacifice assumé, voulu, innocent, le Christ met fin à la violence sacrée et oblige en quelque sorte à regarder cet individu ou celui-là comme autre chose qu’un bouc-émissaire possible : nous sommes tous à la fois des victimes pontentielles et de possibles bourreaux.

La mort du Christ manifeste la fraternité des hommes dans la mort offerte (« ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne ») de l’Innocent. Désormais, tout change! Et le cadavre, ce cadavre de l’origine, a disparu. Le tombeau est vide et la culture chrétienne est la culture de ce vide vivifiant.

Ce que Papacito sent confusément c’est que sans Jésus, il serait autre chose que ce qu’il est. Il se laisserait aller à ce que sa force, sa colère ou une autre passion lui dicterait de faire. Avec Jésus, il en est empêché : il voit dans le chroniqueur-humoriste un frère pour lequel Jésus est mort.

Papacito est profondément, et presque humblement, girardien. Oui, Jésus, la présence de Jésus, ou du Christianisme, ce qui est presque la même chose, empêche un retour à la violence sauvage où on enc*le des cadavres. La propagation du chrisitanisme a été aussi la propagation de cette idée, et sa disparition reviendrait à réinstaurer la barbarie soit avec la présence d’une religion sacrificielle soit, ce qui est pire, sans religion du tout. Le système judiciaire, quand il fonctionne bien, demeurant malgré tout une instauration culturelle d’une violence légitime et légale, est incapable de réaliser cette transformation.

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