Mais en 1597, vingt-six martyrs y moururent crucifiés : trois jésuites et vingt-trois franciscains, les deux ordres ayant longtemps fait semblant d’ignorer ceux qui n’étaient pas de leurs obédiences respectives.
Juste avant 1614, interdiction définitive du christianisme, une ambassade japonaise avait fait voile vers Rome en passant par Acapulco, Madrid (où les jésuites firent tout pour faire capoter l’ambassade, due à l’initiative d’un franciscain) et… Saint-Tropez, où des Japonais foulent pour la première fois le sol français. L’ambassade échouera, le franciscain retournera mourir au Japon en 1624, brûlé vif en compagnie d’un jésuite.
En 1622, 1633 et 1637, d’autres chrétiens moururent martyrs à Nagasaki. Le temps passa. En 1858, la France et le Japon avaient signé un traité, les prêtres sont autorisés à entrer au Japon mais ne doivent exercer leur ministère qu’auprès des occidentaux. En 1862, les vingt-six martyrs furent canonisés. En 1865, le père Bernard Petitjean rencontra les chrétiens d’Urakami, village au nord de Nagasaki, chrétiens clandestins pendant deux siècles et demi. Entre autres merveilles d’une foi obstinée, ils avaient recopié pendant 250 ans un Traité de la Contrition, imprimé par les jésuites en 1603, où l’évêque de Nagasaki, Luis Cerqueira, s.j., « définissait une théologie pénitentielle non sacramentelle pour faire face au petit nombre de prêtres. » On le voit dans une vitrine, dans une édition de 1869. Le catholicisme public renaît, les persécutions reprennent, exils et tortures. En 1945, une bombe atomique est lancée sur Urakami, près de Nagasaki, village catholique depuis 1580.
Nagasaki où les jésuites avaient ouvert une école d’art, car les œuvres d’art européennes n’arrivaient pas en nombre suffisant pour décorer les églises. Giovanni Cola, jésuite au talent de peintre reconnu, inaugura l’école, enseigna les techniques européennes aux Japonais (comme la gravure sur cuivre, alors inconnue) et construisit des orgues en bambou. Les persécutions détruisirent tout, ce qui est réuni à l’exposition est aussi rare que l’or scythe. La vie des chrétiens japonais est une épopée extraordinaire, cette exposition est une mine d’histoires stupéfiantes, poignantes et revigorantes.
Des samouraïs aux mangas. L’épopée chrétienne au Japon. Jusqu’au 13 juillet 2024.
Missions étrangères de Paris, 128 rue du Bac, 75007.
Illustration : Eaux sulfureuses de Unzen, c. 1680 © MEP