Un carré, qui vit dans un univers à deux dimensions, où les personnages les plus éminents sont des polygones quasi circulaires, raconte sa découverte de la troisième dimension – qui lui vaut aussitôt de se faire enfermer.
Cette fantaisie, qui date de 1884, a un premier mérite : elle est merveilleusement écrite, et le malheureux carré tout à ses révélations aussi physiques que mystiques sur cet univers à lui brusquement révélé a les mots les plus subtils pour décrire son plat pays (avec ses bourgeois, ses prêtres, ses lois, ses femmes – féroces). La mise en pages, tourneboulante, rend compte des tourments d’un esprit qui essaie de décrire un univers impossible. Le second mérite est la portée ironique de la fable, assez acide puisqu’elle suggère que nos évidences, donc nos vérités, ne sont qu’une petite portion d’un univers trop vaste pour qu’aucun récit en rende compte. Un apologue sceptique à la folle et réjouissante logique.
Edwin Abbott Abbott, Flatland. Fantaisie en plusieurs dimensions. Les Belles Lettres, 2024, 160 p., 12,06 €