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L’odyssée d’un Pleyel

Quand les instruments participent eux aussi à l’histoire de la musique…

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L’odyssée d’un Pleyel

Démissionnaire de la Navale pour raison de santé, Albert Roussel entreprit en 1898 une formation musicale auprès d’Eugène Gigout puis de Vincent d’Indy à la Schola Cantorum. Il ne tarda guère à s’imposer comme l’un des compositeurs les plus prometteurs de sa génération. Il épousa Blanche Preisach en 1908 et entreprit un long voyage de noces aux Indes, rêve longtemps caressé de découvrir l’intérieur des pays dont, au cours de sa carrière de marin, il n’avait connu que les ports. À son retour, gorgé de sensations exotiques et désireux de donner une impulsion nouvelle à son œuvre, il mit en chantier plusieurs partitions ambitieuses : Évocations, Le Roi Tobol… Est-ce pour cette raison qu’il fit l’acquisition le 14 mars 1910 d’un nouveau piano Pleyel, fleuron de l’industrie instrumentale française ? Confident privilégié de l’élaboration de la plupart de ses chefs-d’œuvre à venir, le piano – acheté 1820 francs – fut installé au 157 avenue de Wagram avant de rejoindre en 1920 sa propriété de Vastérival sur la côte d’Albâtre. Ce piano vit défiler nombre de compositeurs et interprètes rendant visite à Albert Roussel pendant les mois d’été : Poulenc, Delvincourt, Thiriet, Hoérée, Reisserova, etc. À la suite du décès de Roussel, son épouse le revendit en 1938. Yvonne Gouverné, pianiste et chef de chant, amie du couple Roussel, le racheta à Marie Brillant en septembre 1965 pour l’offrir au jeune compositeur Pierick Houdy. L’instrument fut embarqué à destination de sa résidence Loc Maria, à Belle-Ile-en-Mer, là même où Roussel avait incidemment composé sa Sonatine en 1912. À la disparition du compositeur breton le 22 mars 2021, il fut légué à Damien Top et rapatrié dans le nord le 13 juillet de cette année. Il retrouve donc en quelque sorte ses racines rousséliennes.

Un son français

L’extraordinaire expansion de la manufacture de pianos fondée en 1807 par Ignaz Pleyel, compositeur renommé, élève de Haydn et estimé de Mozart, allait rendre ce nom célèbre dans le monde entier. L’obsession de la perfection demeure indissociable de la firme jusqu’à nos jours. Frédéric Chopin affirmait d’ailleurs : « Quand je me sens en verve et assez fort pour trouver mon propre son à moi, il me faut un piano de Pleyel.[1] » Incontestablement, la maison Pleyel fut le fabricant de pianos qui s’est le plus distingué en matière d’innovations : création du piano pédalier, pédale tonale sur le piano à queue, amélioration du double échappement, cadre métallique en acier spécifique moins carburé, coulé d’une seule pièce et non assemblé, etc. En 1907, Gustave Lyon, polytechnicien qui dirigeait l’établissement depuis une vingtaine d’années, organisa un concert en l’honneur de la firme à la Salle Pleyel de la rue de Rochechouart. Camille Saint-Saëns coordonna l’évènement en invitant de prestigieux pianistes comme Rimski-Korsakov, Rachmaninov et Wanda Landowska. Améliorés tout au long du XIXe siècle, les Pleyel se caractérisaient par une grande légèreté, une rondeur, une puissance des graves et un étonnant scintillement des aigus qui leur conféraient une réelle harmonie. Ils incarnaient le fameux son « à la française » grâce à leurs particularités coloristiques romantiques. « Quand les graves langoureux s’étirent indéfiniment, quand les aigus scintillent en traits de piccolos, quand le médium frissonne Cantabile, quand le toucher fidèle obéit de tenues en piquées, c’est sûr, c’est un Pleyel » estimait Arthur Rubinstein.

Une résurrection attendue

La réapparition du piano Pleyel d’Albert Roussel coïncide avec le 25e anniversaire du Festival International Albert-Roussel. L’occasion était trop belle de dédier au piano la thématique de cette saison. De manière exceptionnelle, les récitals seront donc donnés sur cet instrument, installé à la Châtellerie de Schoebeque, à Cassel, le temps du festival. Les auditeurs découvriront les sonorités entendues par Roussel lui-même lorsqu’il composait ou interprétait ses partitions au piano. Ses audaces d’écriture apparaîtront vraisemblablement moins « percussives » sur ce Pleyel que sur nos Steinway et Yamaha actuels. Et sans doute les interprétations proposées révèleront-elles une « authenticité » inouïe.

Une pléiade d’artistes de tous horizons est à l’affiche : Diane Andersen, Eliane Reyes (Belgique), Galina Ermakova (Russie), Laura Bennett Cameron (États-Unis), Vitor Garbelotto (Brésil), Damien Top, Alain Raës, Jean-Michel Dayez, Frédéric Pélassy, Jean Dubé, Louis Dechambre (France).

Les lecteurs de Politique Magazine bénéficient d’invitations pour l’ensemble des concerts du festival.

 

Festival International Albert-Roussel : 26 septembre – 28 novembre

Réservations au 09 53 63 32 08 ou par courriel : albertroussel@free.fr.

Le programme détaillé est disponible en ligne :

http://ciar.e-monsite.com/pages/festival/festival-2021

 

Illustration : Albert Roussel et son Pleyel

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