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Les grâces de Coypel

« Personne ne peut ignorer l’ampleur de son activité, sa technique virtuose, son coloris d’un raffinement réellement unique, l’ambition de ses compositions » nous dit Laurent Salomé, directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Et pourtant, Noël Coypel, père d’Antoine Coypel, a été absorbé par Versailles.

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Les grâces de Coypel

Je ne veux pas tant souligner à quel point il se consacra, trente ans durant, à décorer le palais et le Trianon (entre autres palais royaux), mais à quel point ses décors, se confondant avec les bâtiments, l’ont littéralement absorbé, le confondant avec les murs au point qu’on l’étudie peu et même qu’on le connaît mal. D’autant plus mal que ses décors de Meudon, du Louvre, de Fontainebleau, du Palais-Royal et même du premier Versailles ont disparu. Il en reste des bribes, des souvenirs, des études, des descriptions…

On rêve devant le maître-autel des Invalides de ce qu’ils purent être, on se console avec la salle des gardes de la Reine, qui a gardé intactes (et magnifiquement restaurées : les coloris sont d’une fraîcheur admirable) les toiles destinées au salon de Jupiter : Louis XIV aimait assez les compositions de Coypel pour qu’elles soient transférées, et conservées, procurant aujourd’hui le plaisir d’un décor complet original : Jupiter accompagné de la Justice et de la Piété, au centre, les écoinçons offrant de charmantes allégories, comme La Piété soulageant la famine, et les quatre voussures (peintes par Coypel quand il était directeur de l’Académie de France à Rome. Roger de Piles nous dit qu’il « peignit à Rome les tableaux destinés pour le Cabinet du Conseil du Roi à Versailles et qui par les changements qui sont faits en bâtissant la grande Galerie, se trouvent à présent dans l’Appartement de la Reine. Ces tableaux furent exposés dans Rome à une fête qui se fit à la Rotonde et reçurent un applaudissement général ») illustrent, selon Félibien, « deux des actions les plus mémorables de la Justice, et deux des actions les plus mémorables de la Piété dont l’Histoire a conservé la mémoire » : Alexandre Sévère faisant distribuer du blé au peuple de Rome dans un temps de disette (et non pas obligeant les marchands à le vendre à prix coûtant) et Solon soutenant la Justice de ses lois devant les objections des Athéniens : toute la salle n’est qu’un grand éloge du bon gouvernement, à la rigueur constamment tempérée par la bonté.

L’exposition qui s’ouvre à Versailles entend dépasser ce paradoxe d’un peintre virtuose, admiré, installé, contemporain des plus grands, Mignard et Le Brun, pour ne citer qu’eux, et à l’époque reconnu aussi grand qu’eux, et pourtant aujourd’hui méconnu. Sa vie est calme, sa faveur, constante, sa carrière, honnête et même florissante de 1655 à 1699, au moment où Jules Hardouin-Mansart le démet de ses fonctions de directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Il avait 71 ans, il peindra encore. Cela manque d’éclat et on n’admire plus les décors, on y passe. Combien lèvent les yeux à Versailles ou au Louvre pour se perdre dans la contemplation des chefs-d’œuvre qui les dominent ? Il faut imaginer les gardes de la Reine, oisifs et renversés sur leurs banquettes, contemplant les nuées délicates d’où émerge le char de Jupiter. On flânait dans les palais, en attendant l’instant décisif, et les plafonds stimulaient l’imagination.

L’exposition commence presque avec le premier chef-d’œuvre de Coypel, le décor de la Grand’Chambre du parlement de Bretagne à Rennes1, déjà consacré au bon gouvernement, avec ses allégories de la Justice, de la force, de la Tempérance et de la Félicité publique. Le Gouvernement de la République chassant la Calomnie a tout le charme du XVIIe avec ses figures allégoriques aimables qui se battent avec grâce. Cette grâce sera constante, chez Coypel, comme on le voit avec La Rosée, destinée à la chambre du petit appartement du Roi, aux Tuileries. Comme le souligne encore si justement Laurent Salomon, « Les expressions de ses personnages, l’éclat spécial de leurs carnations, leur donnent une présence aigüe que n’ont pas, aussi sublimes soient-ils, les héros et les allégories de Le Brun. Les créatures de Coypel respirent un air vif, frémissent de désir, sourient en savourant leur propre puissance. […] On est frappé par cette atmosphère cristalline qui tranche avec celle des autres décors. À Trianon, l’Apollon coypélien irradie voluptueusement. » Au détriment, presque, de la nature qui l’environne : Coypel est plus à l’aise dans les nuées que dans les végétations, et, souvent, le goût de peindre de belles personnes l’emporte sur le reste : Néron au milieu d’un festin ordonnant la mort d’Agrippine n’a rien de bien féroce et le spectateur est surtout attiré par la ravissante musicienne en légère tunique rose, au premier plan, qui le regarde en souriant. Les gardes et les courtisans de Meudon ne devaient tirer aucune sombre et sévère leçon de leurs contemplations, et nous, visiteurs, non plus.

 

Noël Coypel, peintre de grands décors. Grand Trianon et salle des Gardes de la Reine, jusqu’au 28 janvier 2024.

Illustration : Jupiter accompagné de la Justice et de la Piété, vers 1673-1676 © RMN-GP (Château de Versailles) / © Franck Raux

 

1Le Musée des beaux-arts de Rennes accueillera l’exposition de Versailles en 2024.

Apollon vainqueur du serpent Python, 1700-1704, © RMN-GP (Château de Versailles) / © Christophe Fouin

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