Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Le 25 octobre 1941, l’on découvre, au rez-de-chaussée du château d’Escoire, près de Périgueux, les cadavres massacrés du propriétaire, Georges Girard, de sa sœur Amélie, et de Louise, leur bonne. L’arme du crime, une vieille serpe, gît sur un lit.
Apparemment, personne n’a pu s’introduire dans la demeure, portes et fenêtres closes. Partant de cette constatation, il n’y a qu’un tueur possible : le fils de la maison, Henri Girard, vingt-quatre ans, qui, selon les ragots du bourg, en faisait voir de toutes les couleurs aux siens et dilapidait la fortune familiale. N’en est-il pas l’unique héritier, et, désormais, un homme très riche ?
Sûre de tenir l’assassin, la police ne cherche pas plus loin. Sans l’intervention de Maître Garçon, prestigieux avocat du barreau de Paris et ami intime de feu Georges Girard, qui obtiendra un acquittement retentissant, Henri Girard aurait fini sur l’échafaud comme parricide.
Libéré, le jeune homme claquera sa fortune et, ruiné, partira pour l’Amérique du Sud ; en reviendra pour entamer une carrière de romancier, – il écrira entre autres Le salaire de la peur-, et de journaliste. Sympathisant du FLN, il choisira de vivre en Algérie.
Jaenada est fascinant. Son style est impossible, pourtant il retient, en dépit, ou à cause, de phrases interminables bourrées d’incises sans rapport avec le sujet, mais d’une cocasserie telle que vous vous étouffez de rire face à l’absurdité du monde, de l’humanité, de la vie. Le regard qu’il porte sur des affaires horribles est d’une acuité dérangeante, car elle oblige à réfléchir.
Après avoir dépouillé le dossier, réinstruit l’affaire, condamné Henri Girard, Jaeanada fait volte-face, repart à zéro, souligne les erreurs de l’enquête, les contradictions des témoins, les partis-pris de la justice, prouve que l’inculpé ne ressemblant en rien au portrait dressé de lui, il n’avait aucune raison de tuer, et laisse le lecteur, sinon convaincu de l’innocence de Girard, du moins assez troublé pour ne pas conclure à sa culpabilité, d’autant qu’un autre criminel, plus plausible, est apparu dans le décor.
Face à ce tourbillon, cette maestria, cette drôlerie sauvage et tendre, vous en oubliez les obligatoires petites prosternations d’un auteur qui vaut mieux que cela devant les diktats du politiquement correct. Seule certitude : vous tenez un grand bouquin. Et ce n’est pas fréquent.