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L’Indochine, entre nationalisme et intérêts

1858-1954 : un peu moins de cent ans séparent la naissance et la mort de l’Indochine française. Cochinchine, Annam, Cambodge, Laos et Tonkin, nouveaux joyaux de la couronne, sont des entités certes indépendantes mais arrachées en fait à la suzeraineté du puissant voisin chinois.

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L’Indochine, entre nationalisme et intérêts

Et si, justement, l’histoire de l’Indochine française devait se lire aussi comme un jeu de go entre France et Chine ? Et si la péninsule n’était pas aussi cette percée dans le flanc Sud de l’empire, contre laquelle ce dernier allait mener un long étouffement ? Une France qui n’hésitera pas, jusqu’en 1912, à se servir de sa base indochinoise pour pousser ses pions en Chine du Sud, avant que la pression ne s’inverse. C’est la thèse de l’historien François Joyaux, qui publie une Nouvelle histoire de l’Indochine française avec comme axe central l’affrontement franco-chinois.

Lénine avait vu la nécessité de lier à l’idéologie communiste le nationalisme des peuples colonisés, ces nouveaux damnés de la terre. L’Orient sera d’autant plus le creuset de cette alliance que ses peuples ont vécu comme une humiliation la manière dont un Occident tout-puissant traitait leurs civilisations millénaires. Et tous ces nationalismes, vietnamien – pourtant si mal perçu par nombre de minorités indochinoises –, chinois ou japonais, parfois opposés dans une violence sans limites, partagèrent malgré tout un même objectif : celui reprendre le pouvoir aux occidentaux, sinon les chasser de leurs territoires.

Ces vieux États ont en fait pu prendre bien des formes en un siècle – empire, république parlementaire, monarchie constitutionnelle, état communiste – sans que leur nationalisme ne soit atteint, pas plus d’ailleurs qu’il ne l’est de nos jours. Face à cette constante, François Joyaux nous fait suivre les hésitations d’un colonisateur qui aimerait souvent ne pas l’être, et dont les conflits internes (cléricaux contre anticléricaux, républicains partisans de la « mission civilisatrice de la France » ou militaires plus pragmatiques, vichystes contre gaullistes) rejaillissent sur les politiques menées. De ces atermoiements et de ces luttes intestines, rien ne pouvait sortir de bon pour l’Indochine française : après les luttes menées contre les « pirates », puis « partisans », c’est le Viêt Minh qui poussera la France vers la sortie – les États-Unis se jouant une nouvelle fois des intérêts français –, avant que la Chine, encore et toujours elle, ne tente d’affirmer sa mainmise sur la péninsule. Une intéressante mise en perspective géopolitique.

 

 François Joyaux, Nouvelle histoire de l’Indochine française, Paris, Perrin, 2022.

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