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L’horreur de la guerre perpétuelle

Voici un livre passionnant, certes difficile à lire, tant il est chargé d’informations, d’histoires générales, d’histoires singulières, et qui couvre pour les pays Baltes, principalement la Lettonie – et surtout les prisonniers lettons –, la période terrible de la guerre de 39-45 et de l’après-guerre, en particulier en France.

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L’horreur de la guerre perpétuelle

Avec mise en perspective sur l’histoire longue des régions baltiques, suédoises, danoises, russes, germaniques, polonaises, dans une longue introduction d’Alain Mesnil. C’est une série de témoignages éprouvants et émouvants, ramassés par un seul auteur et sous son seul nom, Andrejs Krūmiņš, mais qui donne une idée précise et détaillée du sort des Lettons qui ont été confrontés à la guerre, malgré eux souvent, côté allemand ou côté soviétique. Guerre civile d’abord, guerre internationale, où les atrocités se multiplient, s’enchaînent les unes après les autres : invasions successives, destructions systématiques, déportations notamment en Sibérie de dizaines de milliers de personnes, quelquefois en une seule nuit et une seule journée, de femmes, d’enfants ; constamment des massacres, parfois de troupes entières, fusillées, officiers en tête, puis c’est le tour de villages, de villes, c’est dès 1941 la poursuite et l’élimination programmée des Juifs par les autorités allemandes d’occupation, plus de 60 000 Juifs disparaissent en quelques mois. Les maquis de résistance, admirables de courage, se détruisent eux-mêmes ; les patriotes sont complètement perdus, sans autorité de référence. Les Lettons – surtout les jeunes gens – enrôlés dans des guerres et sous des drapeaux qui ne sont pas les leurs, et déclarés par la suite responsables de crimes innombrables ou d’engagements qu’ils n’ont ni assumés, ni voulus, ni même perpétrés. Puis les Lettons pris par les Alliés ou les Soviets doivent subir les transits chaotiques et humiliants dans les camps de prisonniers, les échanges, les tentations des promesses russes pour des retours dans la mère patrie, suivies d’effroyables trahisons, les maltraitances sous les « kapos » allemands qui restent leur encadrement ! Et pendant ce temps-là, le sort des pays, des foules sans espérance, des prisonniers, des pauvres gens, est décidé à des niveaux de prétendus responsables mondiaux complètement irresponsables et où s’exercent pressions, chantages, compromis sans foi ni loi… Ah, les grands de ce monde ! Pendant que les petits crèvent, souffrent, meurent ! Et il faut dénoncer malheureusement dans ces circonstances, malgré des exceptions, le vilain comportement de certains Français sous la férule gaullo-communiste, la Légion étrangère prélevant quant à elle son lot d’engagés.

Les chiffres sont accablants. Alain Mesnil a fait un travail considérable de présentation historique et de récapitulation finale, notamment sur le système de captivité occidentale. Non, l’histoire de la guerre et de l’après-guerre n’est pas une belle histoire, la légende dût-elle en être quelque peu écornée et perturbée. C’est un tissu d’horreurs, où, bien sûr, Hitler et Staline ont leur place de choix, mais où le monde entier bascule dans le mal qui ne pardonne jamais. Reste la camaraderie, l’amitié, l’entraide, la charité, la vie spirituelle, c’est heureusement ce qui ressort de ces témoignages.

 

Andrejs Krūmiņš, Combattants et réfugiés lettons dans la guerre froide, Traduction du letton par Velta Skujiņa et présentation d’Alain Mesnil, L’Harmattan, 255 p., 26 €

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