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L’habit ne fait pas le moine, ni la prothèse, le cyborg

Le transhumanisme n’est pas une question de quantité mais de qualité. Une fois admise l’augmentation en lieu et place de la réparation, nous allons invinciblement vers la perte de notre nature humaine.

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L’habit ne fait pas le moine, ni la prothèse, le cyborg

Clinatec, c’est là – excusez du peu – qu’on « invente aujourd’hui la médecine de demain ». Le centre de recherche biomédicale, sis à Grenoble, nous promet de soigner bientôt toutes sortes de troubles neurologiques, maladies dégénérescentes et même maladies psychiques. Depuis Parkinson jusqu’à l’anorexie, il n’est rien qui ne puisse, à force de recherche, résister à la conjugaison bienheureuse de la médecine et des nouvelles technologies. C’est le joyeux cortège des NBIC (Neurosciences, Biotechnologies, technologies de l’Information et sciences Cognitives), la convergence des sciences qui doit, demain ou après-demain, nous faire naître d’un utérus artificiel pour que nous et notre méta-cerveau connecté puissions vivre – ou nous user jusqu’à l’obsolescence ? – au moins mille ans. En attendant que se réalisent les vœux des géants de la Silicon Valley, les hommes de Clinatec cherchent comment faire remarcher les tétraplégiques, ce qui n’est pas une mince affaire mais une bonne nouvelle pour les patients concernés. L’espoir prend les contours de cette techno-clinique ultrasophistiquée, où l’on pense progrès, innovation et futur, où l’on « répare » l’homme, comme l’annonçait une soirée de levée de fonds organisée en 2017.

La grande peur des bien-portants

Vous avez dit réparer l’homme ? De quoi mettre la puce (l’animal ou le composant informatique ?) à l’oreille à tous ceux qui pensaient qu’entre réparation et guérison, il y avait un peu plus qu’un pas. Et si l’on avance encore un peu, comment tracer la frontière réparation et augmentation ?

On imagine bien que les blouses blanches de Clinatec ne vont pas faire marcher les tétraplégiques en leur faisant avaler un peu d’huiles essentielles et en les massant avec des feuilles d’aloe vera. Non, d’après les travaux de Clinatec, il faudra des exosquelettes dirigés par la pensée et des implants neurologiques, il faudra entremêler le vivant et la machine. La question est donc la suivante : un tétraplégique qui veut marcher est-il un cyborg qui s’ignore ? La crainte est là, de voir les personnes atteintes de maladies ou de handicap dotées de palliatifs techniques à faire pâlir un valide.

Ainsi de l’américaine Aimee Mullins et ses douze paires de jambes qui font rêver de nombreuses femmes. Amputée très jeune des jambes après avoir souffert d’une grave maladie, Aimee Mullins a décidé de tirer parti de ce manque et d’assumer cette différence physique, au point de devenir mannequin. Elle pose, d’affiches en magazines, avec des prothèses de jambes aussi originales que variées, depuis la version ultra minimaliste style cyborg féminin jusqu’à la version on ne peut plus chic en bois sculpté. Que valent nos pauvres jambes de chair et d’os, trop courtes ou trop longues, un peu asymétriques parfois et jamais interchangeables, face à ces membres inférieurs de compétition ? Pas grand-chose, au point que des admiratrices de la belle américaine se sont mis en tête de se faire amputer des jambes alors qu’elles étaient en parfaite santé pour le seul plaisir de changer de gambettes à loisir. Le handicap moderne, en définitive, serait de ne pas avoir de handicap dès lors qu’il est, aujourd’hui du moins, admis que les prothèses et autres implants médicaux sont réservés aux personnes en situation de déficience physique incurable. La tentation transhumaniste – le mot est enfin posé, tapi dans le texte depuis le début – survient quand la prothèse permet des performances physiques qui dépassent les capacités des bien-portants.

Qui est un homme ?

C’est un fait, la révolution des technosciences rebat les cartes et nous obliger à penser à nouveaux frais ce qu’est l’humanité. La question n’a pas fini de nous torturer. Le transhumanisme fabrique un être promis à des ajouts et modulations techniques toujours plus profonds, si bien que nous ne nous demanderons bientôt plus, comme les philosophes l’ont fait depuis l’Antiquité, ce qu’est « être un homme » mais qui est encore un homme. L’option purement comptable ne nous sera d’aucune utilité pour y répondre dès lors que se demander à partir de combien de prothèses il y a cyborg revient à peu près à se demander à partir de combien de cailloux il y a tas. La porosité de la frontière entre réparation et augmentation, l’impossibilité d’observer à l’œil nu une frontière bien nette entre l’homme et le cyborg nous oblige à ne pas nous contenter d’analyser le transhumanisme seulement en termes d’effets positifs ou négatifs (est-ce mieux de vivre 80 ou 1000 ans ?) mais plutôt à comprendre comment il modifie l’être même de l’homme. Sauf que, étant par définition en train d’être transformé par la technique, le transhumain n’a pas d’autre définition que d’être toujours en train d’être transformé.

Un substrat humain et désespérément naturel demeure encore mais s’amenuise à mesure que se déploient les biotechnologies et que se déplace, par le truchement de l’esprit transhumaniste, les frontières de la normalité. Aimee Mullins et ses douze jambes nous auront pourtant prévenus : l’handicapé de demain n’est peut-être pas celui qu’on pensait. Les moyens déployés pour pallier la déficience physique ont presque fini de nous habituer à des dispositifs techniques de plus en plus impressionnants, au point que la législation sur le sport, notamment, est en profonde mutation. Faut-il vraiment avoir une jambe en moins pour disposer d’un exosquelette ultra-sophistiqué et permettant de battre tous les records d’une discipline sportive ? Le privilège de l’exosquelette peut-il encore n’être réservé qu’aux tétraplégiques dans un pays qui se vante pourtant d’être démocratique ? Qu’on ne s’inquiète pas, Alim-Louis Benabid, François Berger, les patrons de Clinatec, ne parlent jamais de transhumanisme et, mieux encore, ils assurent que leurs travaux sont pour les malades exclusivement. Difficile, pourtant, d’accorder du crédit à de telles annonces. Dans un pays où l’on est prié d’admettre qu’une femme qui n’est pas stérile ou infertile peut prétendre à la procréation médicalement assistée au même titre qu’une femme dont la pathologie est établie, inutile de dire qu’on n’interdira pas aux bien-portant de réclamer un exosquelette.

Un corps, toutes options comprises

Par l’artificialisation de la procréation et la sélection génétique qu’elle permet, avec également les possibilités récemment mises à jour de modifier le génome humain, la suppression des personnes handicapées avant la naissance sera bientôt obsolète puisqu’il suffira de ne pas en concevoir. C’est plus simple ainsi : on n’a pas besoin de supprimer les faibles quand ils n’existent pas. Pourtant, on trouvera toujours quelqu’un dont les prothèses et implants bioniques seront moins performants qu’un autre, on trouvera toujours quelqu’un pour avoir un taux de sucre ou de fer trop élevé ou trop bas par rapport à des critères qui seront toujours plus précis et donc discriminants. Il y aura celui dont le méta-cerveau fonctionne parfaitement et qui dispose d’une bonne assurance en cas de problème et celui qui subira un bug informatique ou sera piraté. Les personnes tétraplégiques pourront courir comme tout le monde et les incantations des fabricants d’exosquelettes deviendront réalité. La différence se jouera entre les pauvres condamnés à n’avoir qu’un misérable corps et les riches embarrassés des multiples possibilités qui s’offriront à eux pour ajouter une option à la machine qui, progressivement, prendra le pas sur leur corps.

La technique appelle la technique, et le transhumanisme nous met en difficulté parce que, si l’on peine à savoir exactement quand la réparation cède le pas à l’augmentation, on sait encore moins jusqu’où peut aller cette augmentation sans que nous quittions définitivement notre humaine nature. La vitesse prodigieuse à laquelle s’opèrent ces bouleversements est sans doute le signe qu’ils méritent toute notre attention si, comme le dit Gustave Thibon, « l’accélération est le propre des chutes plutôt que des ascensions. »

Par Adélaïde Pouchol

 

 Le transhumanisme en question, hors-série n°29,

Éditions de L’Homme Nouveau,

64 pages, 8 €

 

 

 

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