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Le Roi Lear, histoire et épopée (1ère partie)

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Une œuvre théâtrale ou littéraire est avant tout générée par l’âme du créateur, sa propre expérience, le plus profond de son intimité. Mais le récit et le style de la narration sont inhérents à l’époque de la création et à son contexte historique.

Pour produire un chef-d’œuvre, l’artiste doit prendre ses sources dans sa propre sève, mais aussi se servir de la légende ou de l’histoire, pour transfigurer le ponctuel en message intemporel.

William Shakespeare a été baptisé le 26 avril 1564 à Stratford-upon-Avon et est mort là, à la fin du mois d’avril ou au début de mai 1616. Son existence se partage entre la dernière partie du XVIème siècle, et les prémices du somptueux XVIIème qui, en Angleterre, après de nombreux soubresauts, permettra la création de la monarchie constitutionnelle et en Europe, le début de la guerre de Trente Ans, et plus particulièrement en France l’avènement de la Monarchie Absolue.

Shakespeare fut le contemporain de Marie Stuart, souveraine du royaume d’Écosse dès sa naissance, puis reine de France à dix-sept ans, mariée à François II, puis six ans plus tard, épouse de son cousin germain, Henry Stuart, enfin elle s’unit à James Hepburn, comte de Bothwell. Par la suite elle fut emprisonnée au château de Loch Leven, où elle avorta de jumeaux. Elle s’évada peu après et leva une petite armée. Trois jours après sa défaite à la bataille de Langside, elle s’enfuit en Angleterre, où elle fut emprisonnée par les officiers d’Élisabeth et mise en prison durant 19 ans. Elle fut exécutée au château de Fotheringhay le 8 février 1587.

Entretemps, sa demi sœur, Elizabeth Tudor, avait été couronnée le 15 janvier 1559 et devenue Elizabeth Ière, Reine d’Angleterre et d’Irlande. Elle était la fille d’Anne Boleyn, qui avait été décapitée par ordre de son mari Henri VIII pour adultère, inceste et haute trahison. C’est au cours de son règne qu’eut lieu en octobre 1562, l’occupation du Havre en France et surtout, la défaite de l’Armada espagnole qui fut pour Élisabeth une victoire de l’Angleterre protestante. Cet évènement était considéré comme une intervention divine et comme la preuve de l’inviolabilité de la nation incarnée par une reine vierge.

Le 24 mars 1603 meurt la reine Elizabeth. Son plus proche héritier, le roi d’Écosse Jacques VI Stuart, fils d’Henry Stuart et de Marie Ière d’’Écosse, monte sur le trône d’Angleterre sous le nom de Jacques 1er. Pour son mariage avec Anne, la fille cadette du roi Frédéric II de Danemark, âgée de quatorze ans, il s’embarque avec trois cent hommes et rejoint Oslo, et en revient avec son épouse en mai 1590. Lors de son séjour au Danemark, Jacques s’est intéressé à la sorcellerie qu’il considérait comme étant une branche de la Théologie. À son retour en Écosse, il assiste au procès des Sorcières de North Berwick et devint obsédé par les menaces et les pratiques de la sorcellerie jusqu’à écrire un traité de démonologie et assister à des séances de torture sur des femmes accusées de sorcellerie. Macbeth, n’est pas loin.

Nourrie de ces périodes chaotiques, un nouveau mouvement littéraire apparut sous l’influence de Christopher Marlowe, William Shakespeare, John Donne, Ben Jonson ou Francis Bacon, « l’âge d’or élisabéthain ». Le Roi Jacques lui-même écrivit des traités et des poèmes et supervisa la traduction de la Bible qui porte son nom, la Bible du roi Jacques. Elle est toujours considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de l’anglais moderne, et utilisée au début du XXIème siècle.

Les Sources
Pour exorciser les démons, sans désigner du doigt ses contemporains, Shakespeare utilise la méthode de la triade antique, Eschyle, Sophocle et Euripide, qui, pour expliquer les affres de leur temps se réfèrent à Homère. Mais sa Guerre de Troie, à lui, il la trouvera dans l’édition de The Chronicles of England, Scotlande, and Irelande de Raphael Holinshed, publiée en 1587 qui lui-même avait utilisé la trame de l’Historia regum Britanniae écrite par Geoffroy de Monmouth au XIIe siècle. Cet ouvrage considérable rédigé en latin entre 1135 et 1138 relate l’histoire de la Bretagne insulaire avec notamment Cadwaladr, roi de Gwynedd qui avait vécu au cours du VIIème siècle. Dans son récit, figurent des personnages réels ou légendaires dont le roi Lear, « Histoire de Leir et de ses trois filles ».

Pour l’intrigue secondaire, impliquant le comte de Gloucester, Shakespeare s’inspira d’un conte de Philip Sidney, Countess of Pembroke’s Arcadia , narrant l’histoire du Roi de Paphlagonie et de ses deux fils, Leonatus et Plexitrus, l’un légitime et l’autre bâtard. Ce dernier dépouille son père de son royaume et l’énuclée en faisant porter la responsabilité de la forfaiture sur son frère.

Dans ce contexte empli de terreur, de guerres intestines, de guerres de Religions, de Reines assassinées, de menaces d’envahissement par voie maritime, et surtout de luttes pour le pouvoir, Shakespeare achève Macbeth, histoire d’un homme rongé d’ambition, qui suite aux révélations de trois sorcières monte sur le trône après une série de meurtres et devient un tyran sanguinaire. En décembre, la tragédie en cinq actes en vers et en prose « King Lear » est représentée au Palais de Whitehall de Londres en présence du roi Jacques Ier d’Angleterre.

La pièce, est donc inspirée de l’histoire contemporaine de l’auteur, de la mémoire des épopées de la Bretagne insulaire, constituée de provinces royales d’Angleterre, d’Ecosse et de sa voisine l’Irlande, avec en toile de fond les menaces d’envahissement par voie maritime de la France ou d’autres nations.

Le génie universel de Shakespeare se substitue aux légendes pour créer un spectacle magique proche des Mystères du Moyen Age : une plongée dans l’humanité la plus héroïque mais aussi dans la fange, la traitrise et l’assassinat. Par-delà la terrible démonstration de la chute du puissant, qui se considérait invulnérable et dont l’autorité naturelle semblait indestructible, le Roi Lear, est la démonstration de la destruction des empires, du Royaume du mal, avec pour espoir la justice immanente, mais parfois tardive.

Pour exprimer l’incommensurable, William Shakespeare, pénètre dans les sentiments les plus secrets, dissèque les passions les plus abominables, les vices les plus hideux mais aussi, nous révèle son profond amour de l’humanité, la douceur, la tendresse et l’amour infini qui peut relier, le père au fils, à la fille et … annoncer le retour au grand jour de la justice et du pardon.

La suite de cette chronique sur Shakespeare et les origines du Roi Lear à paraître demain…

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