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Le national-socialisme, une histoire allemande

De 1933 en 1938, un jeune juriste voit le nazisme s’introduire insidieusement dans tous les rouages du pays et, surtout, toutes les consciences, même celles, forcément immaculées, des juristes.

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Le national-socialisme, une histoire allemande

Jeune juriste de 25 ans issu d’une vieille famille protestante de Berlin, Sébastien Haffner assiste dès 1933 à la montée du nazisme. Il s’exile en 1938 en Angleterre où il mène une existence précaire. L’éditeur Warburg lui commande un livre dont le manuscrit, caché au fond de son bureau, ne sera découvert qu’après sa mort.

Lire Histoire d’un Allemand, c’est entrer dans un mécanisme effroyable composé d’apparences trompeuses, de petites habitudes qui s’ancrent dans le quotidien des gens sans qu’ils y prennent garde, de lâchetés et de soumissions qui pourraient être les nôtres. « La génération nazie proprement dite est née entre 1900 et 1910. Ce sont les enfants qui ont vécu la guerre comme un grand jeu, sans être le moins du monde perturbés par sa réalité ».

La défaite de 1918 sonne la fin du match pour le petit garçon de onze ans. Les dirigeants politiques et les chefs militaires, à commencer par l’Empereur, ont fui. « La plupart des nouveaux dirigeants étaient de braves gens bien empêtrés, installés de longue date dans les habitudes confortables d’une opposition loyale, accablés par ce pouvoir qui leur tombait du ciel et anxieux de s’en débarrasser avec élégance le plus rapidement possible ». 

 Le Berlin des années 20 y apparaît avec toutes ses légèretés, ses folies, les aspirations de sa jeunesse qui hume l’air du printemps et s’attarde aux terrasses des cafés, soucieuse d’oublier la guerre, et les menaces sur la paix qui se font de jour en jour plus précises. La descente aux enfers commence pour une population qui s’accoutume insensiblement aux provocations des Nazis. Avec des traits spécifiques aux Allemands de l’époque qui, selon l’auteur, aggravent le danger, comme le culte du sport – encouragé par les pouvoirs publics – et de la politique.

Le mécanisme de la dictature est composé d’apparences trompeuses, de petites lâchetés et de soumissions banales

Les Jeunesses hitlériennes existent déjà, sans le nom : dans la classe du jeune Sébastian, un club de sport se forme avec la devise : « contre Spartacus, pour le sport et la politique ! » : « La politique consistait à administrer sur le chemin du lycée une rossée occasionnelle à quelques malheureux qui se déclaraient favorables à la révolution. Pour le reste, notre occupation principale était le sport… » ; l’antisémitisme n’apparaîtra que plus tard. Sébastian Haffner brosse trois portraits particulièrement intéressants. Rathenau, Allemand patriote et juif.

Walter Rathenau, ministre des Affaires Étrangères en 1922, exerce sur les foules une fascination unique dans l’histoire de la République allemande : « Il est l’exemple le plus frappant que j’ai jamais connu de cette alchimie mystérieuse qui se produit quand un “grand homme” apparaît sur la scène publique : contact avec la foule, même à distance ; on tend l’oreille, on prend le vent, tous les sens en alerte ; les choses sans intérêt deviennent intéressantes, on ne peut faire abstraction de lui ni s’empêcher de prendre passionnément parti ; une légende surgit et grandit ; surgit et grandit le culte de la personnalité ; amour, haine… [Son visage] vous poursuivait, fixant sur vous des yeux sombres pleins d’intelligence et de tristesse. On lisait ses discours et, au-delà de leur contenu, il était impossible d’ignorer ces accents qui accusaient, adjuraient, promettaient : les accents d’un prophète… Juif, il fut un patriote allemand… » Il est assassiné en 1922. Ses adversaires avaient déclaré : « il faut saigner le cochon ». 

Au lieu d’adopter une loi sur la protection de la République, après des mois de tergiversations, le gouvernement tombe. « La dernière impression laissée par le bref passage de Rathenau confirmait l’enseignement des années 1918-1919 : rien ne réussit de ce qu’entreprend la gauche ».  En Allemagne, 1923 marque une rupture. Haffner parle de « la consécration du nihilisme » : « Toute une génération d’Allemands a subi l’ablation d’un organe psychique, un organe qui confère à l‘homme stabilité, équilibre, pesanteur aussi, bien sûr, et qui prend diverses formes suivant les cas : conscience, raison, sagesse, fidélité aux principes, morale, crainte de Dieu ». À l’exaltation patriotique qui suit l’occupation de la Ruhr s’ajoutent la dévaluation inexorable du mark et l’inflation. 

Brüning, avec Hitler comme alibi

Élu chancelier en 1930, Brüning tranche avec la manière de faire de Stresemann, ministre des Affaires Étrangères de 1924 à 1929. Intraitable sur le paiement des réparations, il instaure une rigoureuse « gestion des devises », en clair l’interdiction d’en sortir, et un « impôt sur la désertion » rendant impossible l’exil, limite la liberté de la presse et musèle le Parlement.  Tout cela au nom de la lutte contre Hitler, tout en ayant soin de ne pas l’anéantir. « À ma connaissance, le régime de Brüning a été la première esquisse et pour ainsi dire la maquette d’une forme de gouvernement qui a été imitée depuis dans de nombreux pays d’Europe : une semi-dictature au nom de la démocratie ». 

« C’est un système qui décourage ses propres adeptes, sape ses propres positions, accoutume à la privation de liberté, se montre incapable d’opposer à la propagande ennemie une défense fondée sur des idées, abandonne l’initiative à ses adversaires et finalement renonce au moment où la situation aboutit à une épreuve de force ».

Hitler et le triomphe légal de mars 1933

Les élections législatives du 14 septembre 1930 donnent 107 mandats aux Nationaux-Socialistes contre 12 auparavant : on n’est plus pour ou contre Brüning mais pour ou contre Hitler. Or en 1933, les Allemands non nazis étaient la majorité : ils se trouvent alors « dans un état d’impuissance totale et sans issue, combiné avec les séquelles du choc causé par une attaque-surprise ». 

À chaque surenchère, Haffner voit une fascination qui paralyse : à la Cour suprême – « il rugit à la face des juges qu’un jour il prendrait le pouvoir en toute légalité et que des têtes tomberaient », lors des élections présidentielles – il a 43 ans et Hindenburg 85, au procès de six SA inculpés pour meurtre, tous graciés, félicités par un télégramme de Hitler. Avec à chaque fois une longueur d’avance prise sur les adversaires. « L’atmosphère qui régnait en Allemagne rappelle à plus d’un égard celle qui règne aujourd’hui en Europe : attente engourdie de l’inéluctable, auquel on espère cependant, jusqu’à la dernière minute, échapper ». 

« Ce qui n’existait plus, c’était la joie de vivre, la gentillesse, l’innocence, la bienveillance, la compréhension, la bonne volonté, la générosité et l’humour ». « Alors, comme aujourd’hui, le seul espoir qui nous restait était l’aveuglement de Hitler lui-même. Ne finirait-il pas par épuiser même la patience de ses adversaires ? ». « Tout le monde était convaincu que c’était impossible ».

Le 5 mars 1933, Hitler est assuré de la majorité des deux tiers grâce au « centre, ce grand parti bourgeois catholique qui, dans les dernières années avait rallié une part de plus en plus importante de la bourgeoisie protestante ». À partir de cette infamie, Sebastian Haffner prophétise la dissolution politique de son pays, dont les habitants « forment une nation inconstante, molle, dépourvue de squelette. » « À l’instant du défi, quand les peuples de race se lèvent spontanément comme un seul homme, les Allemands, comme un seul homme, se sont effondrés : ils ont molli, cédé, capitulé, bref : ils ont sombré par millions dans la dépression ». « Le monde dans lequel j’avais vécu se dissolvait, disparaissait, devenait invisible  tous les jours, tout naturellement, sans faire le moindre bruit ».

À la fin du livre, l’auteur constate qu’il ne dit plus « moi » mais « nous » et que l’éducation idéologique qu’il subit avec d’autre futurs juges dans un camp a insensiblement commencé. Ils acceptent de jouer le jeu même s’ils ne sont pas nazis. Un jeu auquel ils ne comprennent rien, nourris par une « ambition étrange, typiquement allemande, d’excellence abstraite », nourris par une camaraderie qui va vite devenir un esprit de corps. D’abord pour pouvoir passer leur examen. Puis pour échapper au camp de concentration, à une balle dans la tête au coin d’un bois.

 

Sébastian HAFFNER (1908-1999), Geschichte eines Deutschen, Deutsche Verlags-Anstalt 2000, 2003. Histoire d’un Allemand, souvenirs (1914-1933), éd. Babel-Actes Sud 2002, 2003. Trad. Brigitte Hébert. 

Après sa publication et son succès de librairie en 2000, plusieurs historiens allemands mirent en doute l’authenticité du texte. Une analyse scientifique met fin à la polémique. En 2002, une version plus récente, enrichie de 6 chapitres inédits est retrouvée. 

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