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Le Capitaine Fracasse est mort

Héritier de la grande aventure, du Théâtre populaire, Marcel Maréchal, le dernier Mohican, Capitaine Fracasse de la troupe des histrions héroïques vient de disparaître.

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Le Capitaine Fracasse est mort

Marcel Maréchal dirigea, anima le Théâtre du Cothurne à Lyon, en 1958, en 1968, le Théâtre du Huitième à Lyon, en 1975, le Théâtre du Gymnase à Marseille, en 1981, La Criée – Théâtre national de Marseille, et à son retour à Paris, en 1995, le Théâtre du Rond-Point des Champs-Élysées. Il reprit en 2001 le grand héritage des Tréteaux de France de… Jean Danet.

Toujours soucieux de transmettre la culture française, il mit en scène de nombreuses fois Molière sans le trahir : Le Malade imaginaire, Don Juan, Georges Dandin, et une création originale Un rêve de théâtre, d’après Corneille, Molière, Alfred de Musset, Edmond Rostand, ainsi que de nombreux auteurs historiques européens déjà fameux, dont l’immortel Shakespeare, son compère Christopher Marlowe, Carlo Goldoni, plus proche de nous, Georg Büchner, Samuel Beckett, Berthold Brecht et son antagoniste Eugène Ionesco. Mais pour en revenir au répertoire français, il fut l’illustre créateur et interprète des auteurs du verbe de notre théâtre : Jacques Audiberti, Jean Vauthier et Louis Guilloux et, dans le registre plus humoristique, René de Obaldia, avec un détour chez Feydeau. Marcel Maréchal aimait aussi l’épopée, en partant d’Aristophane, il faisait vivre Victor Hugo, Théophile Gautier… et Claudel !

Son théâtre était populaire et sans démagogie. On assistait à un véritable théâtre accessible à tous dans le domaine du charnel, à ce grand art de la représentation, l’ouïe satisfaite de la perfection de la diction, la vision de la mise en scène du baroque, le plaisir, parfois, de la transgression, et surtout la magie de la sensation.

En tant qu’interprète il était doué d’une faconde incomparable, d’une mobilité à toute épreuve.

En cela il fut un de meilleurs interprètes des Prodiges de Jean Vauthier après Georges Wilson qui était accompagné de Judith Magre. Son auteur de prédiction étant Jacques Audiberti, qui semblait avoir écrit les rôles de son œuvre essentiellement pour lui.

On ne saurait quitter Marcel Maréchal sans se souvenir de sa magistrale interprétation jubilatoire, mise en scène en collaboration avec Michel Demiautte, de L’Oncle Vania de Tchekhov qu’il reprit à l’occasion 150e anniversaire de la naissance de l’auteur. Créé avec les Tréteaux de France, repris au Théâtre 14 – Jean-Marie Serreau sous l’égide d’Emmanuel Dechartre, interprétant lui-même le Docteur Astrov, dans une traduction originale d’Arthur Adamov. Tchekhov n’est pas un auteur sentencieux ni ennuyeux, il est drôle et en cela il rejoint l’œuvre de Molière qui, sous le masque ridicule « coronavien », a pour mission de faire rire alors qu’on devrait pleurer.

Un drame humain avec Vania, image de l’homme déçu, rêveur mais humain, si humain avec ses faiblesses et ses sursauts de dignité, de Sérébriakov, figure au combien annonciatrice de l’intellectuel aigri, futur révolutionnaire, et Elena et Sonia, dans leur complexité féminine, l’une aimante, l’autre mal aimée toutes deux véritables héroïnes, et enfin Astrov qui n’aime plus personne, peut-être la nature… peut-être Tchekhov lui-même.

Le bonheur est à portée de main, mais il est aussi inaccessible…

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