Le 13 mai 2024, la Nouvelle-Calédonie s’enflamme. Pendant près de six semaines, émeutes, pillages, incendies ravagent le « Caillou ». Le bilan est lourd : 600 entreprises détruites (20% des entreprises calédoniennes), plus de 200 maisons pillées et brûlées. L’économie de l’île est anéantie par 8 000 émeutiers. 6 à 10 000 Calédoniens ont fui le pays. Enfin, comme si tout cela n’était pas suffisant au bilan du drame, 14 morts sont à déplorer.
Emmanuel Macron est venu en urgence, une journée, le 23 mai, trop tôt ou trop tard. À l’œuvre, il y a le CCAT (Cellule de coordination d’Actions sur le Terrain) dirigé par des activistes forcenés comme ce Daniel Goa, communiste formé à Moscou au temps de l’URSS. Il y a l’Azerbaïdjan dont le rôle n’est pas encore clair. Il y a surtout des jeunes Kanaks désœuvrés, manipulables. À l’origine, il y a, bien sûr, des conflits non réglés, des choix toujours repoussés, des solutions dilatoires, comme celles du gel du corps électoral (un droit de vote conditionné par 27 ans de présence et dont la remise en cause fut l’élément déclencheur des émeutes). Pour comprendre le drame calédonien, il faut remonter plus loin que la tragédie d’Ouvéa en 1988. Pourtant le pays a connu depuis la paix civile. Il y a eu trois référendums qui ont repoussé toute indépendance sans proposer une alternative. Il y a, là-bas, une population qui, à force de vivre côte à côte, se retrouve face à face : Caldoches de veille souche, Kanaks d’origine, Européens plus ou moins de passage avec la cohorte considérable des fonctionnaires, Wallisiens horticulteurs, Polynésiens, Vietnamiens aussi et les métis… En embuscade, il y a la Chine qui avance ses pions. Jamais cette France ultramarine ne fut si fragile. L’excellent livre de Frédéric Angleviel, pose, en historien de la Nouvelle-Calédonie, un diagnostic nuancé, informé et plein de bon sens. Il pointe surtout, l’incompétence politique qui, refusant tout choix d’avenir (dont la possibilité institutionnelle d’une fédération), laisse monter la radicalité et la place aux factieux. Le récit qu’il fait des événements est minutieux, précis. Il pratique l’autopsie politique avec art. Tout cela en est presque glaçant. C’est loin, la Calédonie. Mais c’est, hélas, un écho inquiétant venu du Pacifique de ce qui attend la métropole.
Frédéric Angleviel, Nouvelle-Calédonie 2025, Après la crise insurrectionnelle de mai-juillet 2024, quel avenir ? Editions de Paris, 2025, 158 p., 16 €
