On le sait, l’agriculture intensive et l’agro-industrie détruisent la nature, les paysans, les paysages et en fait le pays.
Le système productiviste broie le pays aussi sûrement que ses engins énormes broient les grains et les os, et peu à peu les terres dévastées ne produisent qu’à force d’adjuvants, les Français ne se nourrissent que de nourriture « super-transformée » qui les rend malades. Tout crève alors qu’une autre agriculture est possible, qui ne signifie pas que tout le monde soit affamé mais au contraire que la nature soit régénérée, les assiettes garnies, les haies touffues, les terres pleines de vers et les oiseaux gras. Hugo Clément, écologiste militant, nous entraîne dans l’exploration de la double face de l’agriculture française, entre pratiques industrielles néfastes et « nouvelle » agriculture qui réinvente l’enracinement local, les circuits courts et, surtout, un autre rapport à la nature, qui n’est plus une machine. Témoignages, explications, discours militant, tout se mêle dans cette bande dessinée didactique et efficace (Dominique Mermoux fait un remarquable travail de dessin et de mise en pages). Entre deux chapitres sur l’industrie du lait ou celle des eaux minérales se glisse la critique juste des pouvoirs publics plus ou moins soumis aux grandes entreprises et aussi celle de cette société d’abondance qui promet à chacun d’accéder aux nourritures les plus diverses au plus bas prix… sans plus jamais en garantir la qualité. Quand Hugo Clément se transforme en philosophe de la civilisation (surtout avec une injection d’Harari), il est moins rigoureux, partant moins convaincant ; quand il interroge un technicien, un chercheur, un paysan, il a ce côté faussement naïf idéal pour amener le lecteur à comprendre l’enjeu sociétal sous-tendant l’adoption de telle technique ou de telle culture ; quand il pointe la responsabilité des consommateurs, on le suit. Il ne lui manque que d’interroger ceux qui ont en permanence justifié, au nom du progrès et de la raison, que toutes les structures familiales et locales soient détruites et qui s’étonnent aujourd’hui qu’un pays dont a déraciné les habitants et nié les traditions ne soit pas capable de changer de système productif. Un tome 2 ?
Hugo Clément et Dominique Mermoux, Le Paradoxe de l’abondance. Dargaud, 160 p., 22,95 €.

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