C’est la meilleure des humoristes, la plus rigolote, elle a toujours de bonnes blagues à raconter. L’autre jour, elle nous raconta que son mari était déconstruit. On l’imaginait très bien, cet homme polichinelle, désarticulé, un bras par ci, un bras par là, la tête ailleurs, les mains au diable vauvert. Un autre jour, elle lança cette plaisanterie désopilante qu’il fallait sanctionner le non-partage des tâches domestiques. Certains, à qui manque le sens de l’humour, se sont récrié qu’il est difficile d’évaluer le temps consacré aux travaux domestiques, que pour ce faire il faudrait entrer dans les maisons avec une caméra permanente, qu’on se retrouverait chez Orwell en 1984. Mais si je comprends bien la blague de Mme Trousseau, elle souhaite que lorsque son homme déconstruit fera la vaisselle, la femme réparera la prise électrique ou tondra la pelouse. En Pologne, à Zakopane, j’ai vu une jeune religieuse en son habit religieux pousser une tondeuse à gazon en sautillant, en dansant, en chantant ; au bout de chaque lé, elle pirouettait, virevoltait pour reprendre dans l’autre sens, son habit volait, lui faisait des ailes. Je pensais aux jeunes carmélites de Compiègne dans l’œuvre de Bernanos, si joyeuses avant les persécutions ; c’était l’image de la sainteté. Quand les femmes françaises tondront le gazon grâce à Mme Trousseau, elles se muniront de jupes longues et amples, elles sauteront, elles en seront sanctifiées, on se croira au Paradis. Quand on apprend que Mme Trousseau est ou a été présidente ou vice-présidente de l’université de Lille, on se dit : « Qu’est-ce qu’ils doivent se marrer, à Lille ! » C’est cela, il faut rire. Des gens compétents et graves discutent gravement du wokisme (« Wok ! Wok ! – Tais-toi, Médor. »), ils veulent argumenter, disserter, réfuter. Bandes de tarés, il faut rire, éclater de rire, s’en exploser la bedaine, en propulser des morceaux dans l’œil des doctorants lugubres.