Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

La pépinière du théâtre

Facebook Twitter Email Imprimer

La pépinière du théâtre

Dans les facettes du théâtre, il existe un genre d’exception : l’audition de jeunes comédiens issus d’un cours d’art dramatique prestigieux.

L’enjeu pour le jeune apprenti est de taille, car sur une durée de cinq à dix minutes, il se doit d’imposer le fameux triptyque, créer un univers, jouer une situation et défendre un personnage. Sur ce dernier sujet, le grand acteur Louis Jouvet avait déclaré : « Ce qu’il faut que vous appreniez, en trois ans (et le métier de comédien serait le premier du monde si vous appreniez cela), c’est à vous connaître vous-mêmes. Le « connais-toi toi-même » de la philosophie antique, c’est tout le métier du comédien, tout son art. Se connaître soi-même par rapport à Alceste ou à Marguerite Gauthier, ce n’est pas donné à tous les gens qui font de la philosophie. » (1)

Nous avons assisté, dernièrement, à l’audition qui s’est déroulée au théâtre Tristan Bernard. Les élèves étaient en troisième année du cours de Jean Périmony, directeur de cette école qu’il a créée il y a cinquante ans, et dont nous avions fait le portrait dans notre numéro 118 du mois de mai 2013, sous le titre Jean Périmony et la transmission.

Cette année, la mise en place des scènes et la direction d’acteurs ont été confiées à l’un des professeurs, Erick Desmarestz, qui a débuté sa carrière au TNP, acteur de théâtre classique et moderne, sous la direction de grands metteurs en scène et ancien partenaire de Bernard Blier dans Le Nombril d’Anouilh qu’il a joué pendant trois ans dans la mise en scène de l’auteur.

Il a choisi pour le thème de cette audition, le répertoire d’Harold Pinter. On se souviendra longtemps de la création de l’une de ses pièces la plus fameuse, Le Gardien, interprétée par Jacques Dufilho en 1969, au Théâtre Moderne, dans une mise en scène de Jean-Laurent Cochet, lui-même professeur émérite de l’art théâtral. On lui doit aussi un autre succès avec Le retour qui valu à son acteur principal, Jean-Pierre Marielle, un Molière du meilleur comédien en 1994.

Un pari pour les élèves

L’œuvre de cet auteur, dans son ensemble, nous paraît être une compilation de situations de vaudeville, traitées sous l’angle freudien dans des atmosphères glauques. Certes, cette analyse est strictement partiale et subjective. L’impact théâtral est toutefois très important et le pathos y est incontestablement présent à chaque scène. L’ensemble de son répertoire est aussi le royaume des non-dits.

Dire si le pari était ardu pour de jeunes comédiens ! Il nous a semblé que monsieur Desmarestz a pris l’initiative de mettre en difficulté ses élèves, mais pour la bonne cause car le pari a été réussi grâce à sa direction d’acteurs et la spontanéité des interprètes. Un travail exigeant, la précision des déplacements, et le sens du jeu théâtral étaient au rendez-vous. En cela, cette audition répondait totalement à la définition de la formation de l’acteur que défend Jean Périmony : « Il faut distinguer dans l’enseignement deux phases. Tout d’abord aider l’apprenti à se révéler, car le meilleur professeur, c’est lui-même, il doit prendre les conseils et indications, puis après, c’est à lui de faire le travail et découvrir totalement le personnage. Quand on veut être acteur, il faut au départ une curiosité insatiable et surprendre. Ne pas étonner, mais surprendre. L’enseignant, lui, transmet les outils, la diction, l’évolution du corps sur la scène, la technique de la respiration ainsi que l’approche d’un auteur, avec sa véritable nature, et son style. Quant au talent, on ne peut pas le définir, il ne s’apprend pas. Curieuse alchimie entre un être de chair appelé à faire parler un personnage imaginaire qui n’existe que sur l’écrit. »

Une expression orale inégale

On pourra regretter, toutefois, pour certains, une diction incertaine. Un travail dans ce domaine nous paraît essentiel, tant pour aborder les spectacles en plein air que dans l’exercice cinématographique et télévisuel, où les ingénieurs du son sont impitoyables lorsque l’expression orale des comédiens est défectueuse. Nous ne parlons pas de déclamation ostentatoire mais de précision dans l’expression du verbe comme celle de Jean Gabin qui parlait de l’Audiard avec perfection. A cet égard, nous citerons Henri Rollan, grand sociétaire de la Comédie Française et professeur au Conservatoire qui forma entre autres Jean-Paul Belmondo, Marie Dubois, Jean Rochefort, Robert Hirsch, Jacques Sereys, Annie Girardot, Jean-Laurent Cochet et… Jean Périmony : «  Il faut que les consonnes renvoient bien la voyelle qu’elles ont à servir. Je dirai que la voyelle est une balle, et la consonne est une raquette. La voyelle s’en va en ayant une trajectoire comparable à celle d’un projectile. Il faut bien se mettre dans la tête, dans l’oreille et dans le souffle, que ce n’est pas la consonne qui compte, mais la voyelle. »

Incontestablement la troupe de cet Atelier Pinter, se révèle une pépinière de futurs acteurs.

Nous ne serions pas honnêtes toutefois, pour leur avenir, de citer encore Jouvet dans le domaine du pessimisme mais avec humour : « Pour réussir, c’est 80% de travail, 20% de talent et 100% de chance !  » (2)

Alors, n’hésitez pas à assister à ces auditions dans des théâtres parisiens, qui offrent des places à titres gracieux afin de découvrir les grands acteurs de demain. On est loin des radios crochets qui mettent sous les feux de la rampe de jeunes gens soudainement couverts de paillettes et qui, le lendemain, retombent dans l’anonymat avec des séquelles irrémédiables.

Mais pour terminer sur une note d’espoir et d’encouragement, laissons méditer nos jeunes artistes sur le message de leur Maître :  » Cela fait maintenant cinquante ans que l’école est ouverte. Et je dis toujours à mes élèves : « Voulez-vous passer ou durer ? » L’essentiel est d’apprendre à travailler, de savoir aborder un rôle, une répétition, et à respirer. Être acteur, c’est pouvoir donner le même degré d’émotion chaque fois qu’on vous le demande. Être totalement disponible. Devant la caméra, c’est immédiat. Au théâtre, c’est tous les soirs, quand le rideau se lève. » Jean Périmony

1- Tragédie classique et théâtre du XIXe siècle – Cours au Conservatoire, publiés en 1968 chez Gallimard.
2- Citation de Joël Demarty, comédien qui a été acteur à la Comédie Française durant 9 ans.

*Il est à signaler que de nombreux professeurs aux côtés d’Erick Desmarestz et sous la direction de Jean Périmony, participent à la formation des apprentis au théâtre, dont notamment Christian Bujeau, que nous avons vu au cinéma dans Les Visiteurs, Les Visiteurs II. Après son prix au Conservatoire National, il a interprété plus de quarante pièces et reçu Le Masque d’Or 2011 du Meilleur professeur d’art dramatique qui lui a été décerné par le Guide du Comédien.

(Les participants à l’audition, futurs grands artisans du théâtre sont sur le site : www.jeanperimony.com dans le chapitre Le Book, La Promo 2015)

Ecole PÉRIMONY
Secrétariat
39, rue Lantiez, Paris 17ème
Tel : 01 44 56 07 15 – fax : 01 42 28 37 89
administration@jeanperimony.com
Cours Jean-Laurent COCHET
www.courscochet.fr

Cours François FLORENT
www.coursflorent.fr

Cours SAVOISIEN
Tél : 01 43 07 66 74
www.cours-savoisien.com

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés