Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Xavier Martin est un explorateur de l’anthropologie des Lumières ; son œuvre est une série d’expéditions dans les forêts et maquis de la pensée des Lumières, d’où il rapporte la matière vivante de ses ouvrages. Loin des traditionnelles gloses universitaires qui se contentent d’un survol teinté d’arbitraire, c’est au cœur des fourrés qu’il va débusquer son gibier. C’est ainsi qu’ont vu le jour des livres étonnants, à l’érudition pointilliste tantôt féroce, tantôt jubilatoire comme S’approprier l’homme, Naissance du sous-homme au siècle des Lumières, La France abîmée, Voltaire méconnu, Beccaria, Voltaire et Napoléon, pour ne citer que ceux-là.
Le présent volume constitue une sorte de précis, ou si on reprend la métaphore initiale, une cartographie limpide des terrae incognitae de ce qu’il est convenu d’appeler le « Siècle des Lumières ». Pourquoi ce nécessaire décryptage ? Parce que la pensée de ces auteurs si admirés n’est pas toujours rigoureuse ni vraiment claire, et que leur cynisme s’abrite derrière un humanisme de commande, pour ainsi dire mondain. Mais notre auteur va chercher la vérité là où elle se trouve sans fard, par exemple dans la correspondance prolifique des « philosophes », et ce, au prix d’un travail minutieux, comme on le devine.
C’est ainsi que l’on découvre que nos grands humanistes nient l’existence d’une nature humaine spécifique : entre l’huître et l’homme, il n’y a pas de différence de nature, seulement une différence de degré ; à partir de là, on décline, dans les deux sens du terme ; pas de rupture dans la pente, pas de dignité humaine, la raison raisonnante est le critère de valeur ; au bas de l’échelle, voisinant avec les animaux et se confondant parfois avec eux, on trouve la masse du peuple, les gens de couleur, et… « l’espèce femelle » !
Cette pensée est tarée d’orgueil et de mépris, car bien entendu, Voltaire et consorts se situent tout en haut de l’échelle ; mais il y a pire : la négation de la spécificité humaine associée à une vision mécaniste de l’être vivant (voir « l’homme machine » de la Mettrie), constitue la matrice malfaisante des théories racistes et totalitaires des siècles suivants. Un livre prenant, concis et très clair, qui donne envie de lire ou relire les autres ouvrages de Xavier Martin.