Civilisation
Pour Charles Maurras, In Memoriam
Il y a 70 ans de cela, le 16 novembre 1952, Charles Maurras s’éteignait à la clinique Saint-Grégoire de Saint-Symphorien-lès-Tours, dans le département d’Indre-et-Loire, âgé de 84 ans.
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Le 14 avril, l’Eglise est en deuil, le Christ a été crucifié, mort et enterré. Le 14 avril, au cours de cette semaine sainte, Jean Périmony, dans son cercueil, attend la grande cohorte du théâtre dans cette même Eglise de Saint Louis en l’Île.
Ils n’étaient peut-être tous pas là, mais la grande confrérie des saltimbanques, croyants, athées, et, pour certains, saints, s’étaient rejoints pour se recueillir.
Après une entrée chantée en grégorien, la célébration se déroula toute en grandeur et sobriété.
Au cours de son homélie, le Père Olivier de Cagny évoqua la dimension chrétienne de Jean Périmony en rappelant ses colères homériques en les rapprochant avec celles du Christ, colères qui étaient l’expression cachée de sa grande générosité. Puis il ajouta un message du Père Phalip, prêtre de la Basilique de St Denis depuis 1960, qui était en Algérie avec Jean durant plus d’une année. Les hommages furent rendus. Madame Raphaële Moussafir témoigna de la vie du grand professeur, et Catherine Salviat, nous fit parvenir un message de sa sœur Christine Murillo, toutes deux sociétaires de la Comédie Française. Elle sut avec émotion présenter l’art de ce pédagogue hors pair, dont la principale qualité était de permettre à l’élève de se découvrir, puis de se surpasser. Pour cela il offrait à l’apprenti comédien les outils indispensables que sont l’articulation du texte, l’évolution du corps sur la scène et la technique de la respiration. Quant au talent, on sait qu’il ne s’apprend pas, il se cultive. Après cet exposé tout en intelligence, dans un grand silence, s’avance le Mozart de l’interprétation. De sa voix de bronze avec parfois des intonations métalliques, servi par une diction d’une grande précision qu’il maîtrise parfaitement, André Dussollier nous retrace le parcours de Jean Périmony, en insistant sur l’art de la transmission, non pas uniquement au sujet de l’art dramatique, mais aussi en évoquant tous les sujets que le Maître abordait, dont les grandes interprétations musicales des chefs d’orchestre (Arturo Toscanini et Carlos Keiber étant ses favoris), ses commentaires sur les pièces jouées, et œuvres de cinéma, sans omettre ses cours de littérature, notamment avec la découverte du théâtre antique et des grands auteurs contemporains. André Dussolier durant son intervention nous a rappelé que Jean Périmony relevait de l’universel avec, sur une période de 50 ans, plus de mille artistes qui bénéficièrent de son enseignement. Enfin Catherine Lachens, évoqua avec humour et faconde l’ambiance des coulisses du cours, et l’impatience des élèves désirant passer sur scène afin de connaître l’avis du Maître sur leur travail, avis parfois cinglant, mais toujours teinté de tendresse. On pourrait d’une phrase illustrer sa carrière et son engagement par une phrase de Claudel qu’il admirait tant : « Je passe, mais comme l’archet sur la corde dans la note juste, et en provoquant l’harmonie multiple ».
La fin de la célébration, fut accompagnée par le violoniste, Jean-Cyprien Chenberg, élève de la promotion 2016.
A la sortie de la cérémonie, l’assistance se retrouve dans la rue étroite qui bord l’Eglise. Sur le parvis, les trois filles de Jean se tiennent la main, elles s’enserrent, ultime rempart devant la disparition inéluctable, elles sont dorénavant les mémoires, les Troyennes survivantes après la disparition du Roi Priam. Le carrosse mortuaire attend devant plus de deux cent personnes. Soudain, en crescendo, un applaudissement… il dure plusieurs minutes, et quand le cercueil sort de l’édifice religieux, il ne fait qu’augmenter. Les agents des pompes funèbres attendent respectueusement avant de fixer la bière, les applaudissements redoublent et durent très longtemps, on ne veut plus quitter le Maître. Ultime défi de l’acteur sur la mort, immense hommage pour l’homme de théâtre par ses pairs. Son dernier adieu à la scène de la vie devient un triomphe, et les rappels sont des plus nombreux. Le carrosse s’ébranle lentement, l’ovation monte en intensité, puis le coche funèbre disparait dans une rue adjacente. Un silence respectueux s’impose. Jean Périmony vient de rejoindre Molière. Adieu Jean et Merci l’artiste !