Après son Château de Sables, où, entre souvenirs familiaux et rêves éveillés, il nous avait fait entrer dans l’intimité du roi Louis XVI – rencontré à la table d’une brasserie – et de la reine Marie-Antoinette, dont la grandeur et le martyre auront été de rester dignes et fidèles, dans la gloire et les malheurs, de Versailles à l’échafaud, Louis-Henri de La Rochefoucauld nous offre, avec Les Petits Farceurs, un véritable roman balzacien.
L’auteur y retrace une amitié née sur les bancs de Danielou entre Paul Beuvron, le provincial, et Henri d’Estissac, le parisien, dont les destins resteront mêlés par-delà la mort. Tandis qu’Henri, lucide, écrira des piges pour un journal décalé que l’on dirait volontiers anarchiste, Paul, normalien boudé par le public, finira par prêter naïvement sa plume à des gâte-papier à la mode en mal d’inspiration. Ce premier de cordée n’aspirait qu’à tutoyer les cimes enneigées d’un « Annapurna littéraire », il s’abîmera sans retour dans le désespoir d’une vie d’écrivain par procuration. Il mourra comme il a vécu, comme il a écrit : dans l’ombre, emportant avec lui ses illusions perdues.
Couronné du Prix Roger Nimier 2023, ce récit, que l’on imagine en partie autobiographique, nous introduit, avec l’humour grinçant et le verbe racé auxquels l’auteur nous a habitués, dans la coulisse d’un monde littéraire et politique parisien, qui, sous la plume « larochefoucaldienne », épouse les traits d’un misérable théâtre de marionnettes où tout ce qui brille n’est pas or. Plus qu’une simple facétie, Les Petits Farceurs est une satire moderne, mieux : une étincelante comédie humaine !
Louis-Henri de La Rochefoucauld, Les Petits Farceurs. Robert Laffont, 2023, 248 p., 20 €