C’est par ces mots que Sonia Mabrouk dépeint une France en guerre contre la Russie dans son roman Et si demain tout s’inversait. Cette France de 2035, qu’Aurélien et Louise Dubreuil, Albert et Rachel Zaoui seront contraints de fuir, avec enfants et bagages, pour rejoindre, au-delà des mers, la Djalmanie, principale destination d’accueil des peuples d’Europe. Mais, voilà ! ce qui n’aurait dû être qu’un exil géographique se transformera rapidement en un véritable exil intérieur pour nos héros, dans un pays qui, loin de la légendaire tradition d’hospitalité de l’Orient, ne se révélera pas l’oasis rêvé. Bien qu’il s’agisse d’un roman, Et si demain tout s’inversaitse lit comme un essai qui offre, comme contrechant aux voix des sirènes du relativisme culturel, une hymne à l’assimilation. S’il n’est pas exclu que cette mélodie fasse grincer les dents de qui l’écouterait trop à la hâte, gageons qu’elle réveillera les âmes endormies et aiguisera les consciences émoussées, afin que jamais le pire ne devienne certain. Qu’on se le dise, ce livre n’est pas, tant s’en faut, un encouragement à la résignation de l’exil, mais un appel pressant au sursaut à la suite de Clovis, Saint Louis, du Guesclin, sainte Jeanne d’Arc… Avec maestria, Sonia Mabrouk nous pose cette question qui, à elle seule, renferme toute la mesure de notre responsabilité : serons-nous de ceux qui regarderont le navire sombrer, submergé par les flots ténébreux de nos renoncements, ou bien saurons-nous renouer le fil avec notre passé sacré pour tisser la trame d’un avenir lumineux ?

Sonia Mabrouk, Et si demain tout s’inversait. Fayard, 2024, 320 p. 21,90 €.