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Guynemer, premier chevalier du ciel

Un héros bien français, tel qu’en lui-même, au-delà de la légende.

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Guynemer, premier chevalier du ciel

Ce 11 septembre marquera le centenaire de la mort de Georges Guynemer, tombé en combat aérien près de Poelkapelle en Belgique, titulaire de cinquante victoires homologuées. Il avait vingt-deux ans. Élevé de son vivant au rang de mythe, le jeune pilote a longtemps été donné en exemple des vertus nationales, avant, réconciliation franco-allemande oblige, d’être voué à l’oubli. La première biographie (Georges Guynemer. Fayard. 24 €) documentée à lui être consacrée, signée Jean-Marc Binot, revisite la légende pour mieux la faire revivre.

Lorsque, à la fin de l’automne 1917, après des semaines d’espoir, de rumeurs et de fausses nouvelles, l’Allemagne, conformément aux usages militaires, confirme la mort de Guynemer, abattu en vol et dont l’appareil, le fameux Vieux Charles, s’est écrasé dans les lignes ennemies, la France, en état de choc, prend le deuil. À Compiègne, sa ville natale, son père décide de faire rédiger aussitôt une biographie de son fils qui exaltera ses exploits et sa mémoire. Il s’adresse à Henry Bordeaux. Conscient de ce qu’attendent de lui la famille du jeune homme et l’opinion publique qui l’adulait, le romancier publie un superbe récit aux accents quasi hagiographiques, énorme succès de librairie mais peu attachée à la véracité des détails …

Dans le contexte du moment, le choix de s’en tenir aux témoignages et souvenirs de proches aveuglés par l’affection et le chagrin, quant ils auraient tendance à réécrire l’histoire, se comprend. L’ennui étant que le triomphe du livre accréditera de la vie de Guynemer une version si populaire qu’elle en devient intouchable, quand même elle serait par endroits invraisemblable. Nul n’a le courage de s’attaquer à cette légende nationale, jusqu’à ce que Jules Roy publie, en 1986, une « biographie », romancée mais présentée comme la vérité, qui fracasse l’image du héros.

Comme toujours, la vérité, ou ce qui s’en rapproche, car tout historien honnête sait que son métier n’est pas une science exacte, se situe entre ces deux versions. C’est le mérite de Jean-Marc Binot, qui s’est plongé dans les archives militaires et les papiers de la famille de Guynemer, de ne rien avancer qu’il ne puisse appuyer sur des documents probants, de sorte qu’il peut anéantir les assertions fausses de ses prédécesseurs. L’admirable est que l’examen de ces fonds permet, au final, de découvrir Georges Guynemer à la hauteur de son personnage.

Descendant, par son père, d’une lignée de juristes parisiens francs-maçons, favorables à la Révolution, puis au premier et au second empires, Guynemer appartient grâce à sa mère, Julie Doynel, à la très ancienne noblesse normande, illustre par son dévouement à la monarchie et son glorieux passé militaire. En quoi Georges, seul fils du couple, venu au monde à la Noël 1894, après deux filles, illustre la réconciliation des élites françaises post-révolutionnaires. Il en retire une éducation nationaliste, un amour passionné de la patrie, une solide piété catholique, ce qui permettra, selon les sensibilités, d’en faire un paladin défenseur des autels ou le frère des héros guerriers de la République.

Hélas, Georges, casse-cou intrépide, passionné d’aventure et de risque, qui, adolescent, a poussé comme une asperge, est si maigre que le conseil de révision refuse de l’incorporer. La guerre n’y change rien et, tandis que l’on appelle sous les drapeaux tous les hommes disponibles, ce garçon de vingt ans qui rêve de se battre est condamné à demeurer civil … Des mois durant, il fait des pieds et des mains, joue des relations de sa famille, et elles sont nombreuses, pour obtenir le droit de rejoindre le front. Apprenant que l’aviation, arme neuve qui a besoin de faire ses preuves, se montre moins regardante, il tente sa chance. La version selon laquelle le chef de la base aérienne de Pau, ému par l’enthousiasme de ce gamin désireux d’en découdre, aurait fermé les yeux sur l’irrégularité de la situation et admis dans les rangs comme mécanicien, ne tient pas. En fait, les relations de son père et son oncle ont eu raison des réticences administratives mais évoquer ce « piston » aurait nui au héros.

Très vite, Guynemer qui n’a pas l’intention de rester au sol, parvient à intégrer le stage de formation des pilotes. S’il n’est pas le désastreux brise-tout décrit parfois, menacé de renvoi, il est d’une témérité, liée à son extrême jeunesse, qui donne des sueurs froides à ses supérieurs. Mais l’on a besoin de pilotes et l’on constatera bientôt que celui-là est né pour voler.

Binot retrace avec minutie les débuts de cette carrière fulgurante et grandiose. Missions de protection, dépôt en France occupée d’agents chargés de sabotages dans les lignes ennemies, – des douaniers parfaits connaisseurs de ces zones frontalières où ils travaillaient, héros oubliés mais qui prirent des risques insensés –, avant, d’intégrer la Chasse où il montrera, tant par son talent que ses capacités de résistance au froid extrême de l’altitude et au manque d’oxygène, l’immensité de son talent de prédateur.

C’est là que le bât blesse aujourd’hui. Binot le sait, et rappelle avec bon sens que nous ne pouvons juger avec notre sensibilité les réactions d’hommes très jeunes en situation d’extrême danger et d’extrême violence. Guynemer et ses camarades, à l’instar de tous les As de la Grande Guerre, quelle que soit leur nationalité, tuent sans états d’âme. C’est leur travail, et ils le font aussi bien que possible, d’autant que cette guerre de course se solde par des primes à l’avion ennemi abattu. Ils n’éprouvent aucune pitié pour l’homme qu’ils descendent, et c’est réciproque ; les amitiés chevaleresques entre ennemis parfois évoquées ensuite relèvent de la pieuse invention.

Les pilotes n’en sont pas troublés. Ils tuent, et savent qu’ils le seront tôt ou tard à leur tour, promis, s’ils jouent de malchance, à la chute libre et la dislocation, à moins qu’ils ne brûlent vifs dans leur carlingue. Ils l’acceptent. Quelques semaines avant sa mort, Guynemer confie à son confesseur, laconique : « hodie mihi ; cras tibi … » Quant à la portée morale de ce qu’il fait, serait-ce son devoir, il la connaît. Un jour qu’il a terrorisé, au volant de sa voiture qu’il conduit « comme un fou » à 30 km heure … une vieille dame, celle-ci s’écrie : « Assassin ! » et Guynemer, très courtois, de : « Ah, madame, si vous saviez combien vous avez raison … »

S’ajoute un épuisement physique et nerveux qui conduit certains aviateurs en maison de repos, en pleine dépression, tandis que d’autres demandent à retourner dans l’infanterie, commentant : « Monter à l’assaut, c’est terrible, mais être seul dans les airs, c’est épouvantable. »

Afin de ménager les pilotes, et d’abord les meilleurs, l’état-major incite à leur accorder de longues permissions. Sauf blessé, et encore, Guynemer s’y refuse, emporté par une soif compulsive de combats, de victoires, de gloire, brûlant sa vie dans la certitude qu’elle sera courte. On accusera ses supérieurs de l’avoir laissé voler, le 11 septembre 1917, en le sachant à bout de forces. En fait, nul n’aurait pu l’en empêcher …

On ne retrouvera jamais, après guerre, la tombe de fortune que les Allemands affirmaient lui avoir donnée, ce qui conférera à sa légende une aura de mystère, et laissera longtemps rêver à son improbable survie.

Binot souligne que ce mythe, en partie forgé par l’armée de l’Air, était nécessaire à l’image de l’aviation de combat, au moral des troupes, heureuses, elles qui rampaient dans la boue, de se reconnaître dans cet « archange » vengeur planant dans les airs, comme aussi bien au moral de l’arrière. C’est exact.

Reste que l’état-major eût pu faire un pire choix. Guynemer n’avait pas besoin qu’on lui fabrique une image de héros. Il en était un.

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