Ma tante Euphrasie, qui a toujours été femme au foyer, très autoritaire avec ses casseroles, a cependant des accès de féminisme à heures fixes. Elle déclare :
– On dit maintenant autrice, écrivaine, cheffe… Oh, ça, c’est bien !
– Mais maman, intervient mon cousin Barnabé, il ne faut pas en rester là. La réciprocité s’impose. Il faut que les mots désignant des garçons et à consonance féminine soient d’urgence masculinisés. On dira donc qu’Alain Delon est un vedet, un star, que Telautre est un figur du Tout- Paris. Celui-là c’est un lopet et même un lavet pour ne pas dire plus. Et toi, qui lis souvent des revues consacrées aux têtes couronnées (dont certains sont des têts couronnés), ne dis plus : « Sa Majesté le roi Charles III », dis : « Son Majesté » car c’est un homme que cet homme(ou hom)-là. À l’inverse, si tu penses à une femme, ne dis pas : « Son Altesse », dis : « Sa Altesse la Princesse des Batignolles ». Et passons à l’armée. Il faut y accueillir de nouveaux recrus (qui ne le sont pas toujours de fatigue) qui, dans des guérites dédiées, deviendront bientôt des sentineaux ou des sentinels. En revanche, une soldate continuera de faire la sentinelle. Et pourquoi nous limiter aux êtres humains ? Les animaux sont nos égaux après tout !
– Oh ça, c’est ben vrai ! s’exclame tante Euphrasie, qui est en train de devenir antispéciste et qui va se confesser quand elle a mangé de la viande de bœuf.
On dira donc : « Oh que voilà un beau giraf ! Oh, la belle éléphante ! Oh, la charmante rhinocérosse ! » Mais on n’émettra cette dernière appellation que si on est sûr que cette animale a un ressenti féminin, sinon gare à la corne !
Illustration : Calvince, en pleine dysphorie de genre, ne répondait plus quand on l’appelait.