Civilisation
« Parler, c’est agir »
La vanité humaine prétend que la parole est action, mais le seul langage capable de transformer le monde, c’est celui de Dieu.
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Qui se souvient de Louise d’Orléans, première reine des Belges, morte à 38 ans ? Fille de Louis-Philippe, elle épousa à vingt ans Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, roi d’un royaume qui venait d’être créé.
Le mariage eut lieu le 9 août 1832, jour anniversaire du jour où Louis-Philippe avait prêté serment de fidélité à la Charte révisée, le 9 août 1830, et se tint au palais de Compiègne : Mgr de Quélen, l’archevêque de Paris, légitimiste, avait refusé la cathédrale au prétexte que Louise épousait un luthérien.
Louise avait laissé un vague souvenir de tristesse : l’exposition permet de redécouvrir la jeune fille, élève de Michelet, de Dupanloup et d’Ary Scheffer (qui fit son Portrait en 1836), puis la jeune femme, certes désolée de quitter sa famille (les Orléans sont très unis) mais bientôt heureuse d’être mère et entretenant une correspondance plus que fournie (elle écrivait plusieurs heures par jour) avec sa famille. L’exploitation des archives a permis de faire surgir des albums de dessins, constitués par Louise, et regorgeant de petits chefs-d’œuvre : c’est toute cette éducation “bourgeoise” que Louis-Philippe et Marie-Amélie s’attachaient à donner à leurs enfants qui est évoquée et Louise, délicieuse avec ses anglaises et son chignon (Les Filles du Roi, lithographie de Devéria, 1832), bientôt enserré d’une couronne (Portrait de la reine Louise en robe blanche, Fanny Geefs, 1851), apparaît comme une jeune fille heureuse.
Elle saura créer une cour en Belgique, tenir son rang, toujours romantique dans ses goûts mais juste dans ses commentaires politiques, et échangeant avec passion bijoux (ces « bijoux de sentiment », luxueuses breloques au charme quasi surréaliste), dessins et cadeaux avec tous ses proches. De salle en salle on progresse dans l’intimité des Orléans, découvrant leurs goûts et leurs talents, les artistes qu’ils lancèrent, comme Winterhalter, “découvert” par Louise à un salon parisien lors d’un de ses rares séjours français. Plusieurs pièces sont rares, curieuses, émouvantes, ou franchement magnifiques, comme ce chef-d’œuvre romantique qu’est Le Sommeil de Jésus (1834) du Belge François-Joseph Navez, où la Vierge est assise dans un siège très Louis-Philippe. Et dans chaque salle, obsédante et touchante, Louise d’Orléans, dite « Bobonne », première Reine des Belges, offre son visage ou sa silhouette, jusqu’à sa mort, peinte par Joseph Meganck (Mort de la reine Louise, 1851). Le duc d’Aumale, qui adorait sa sœur, entretint sa mémoire à Chantilly. Le musée Condé lui rend aujourd’hui un hommage intelligent en exploitant au mieux toutes les archives : les successives figures de la Reine l’arrachent de l’oubli ou, pire, de son obscure réputation de chagrin.
Illustration : Marie d’Orléans, Buste de Louise d’Orléans, reine des Belges, 1837, plâtre. Chantilly, musée Condé © GrandPalaisRmn – Domaine de Chantilly – René-Gabriel Ojéda