Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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S’il faut dégager une ligne directrice de l’année qui vient de s’écouler, la prédominance de l’action régalienne s’impose à l’évidence.
Non seulement l’État est omniprésent mais, dans l’État, l’exécutif ne laisse aucune place au législatif. Les ordonnances et les règlements sont les moyens de gouvernement avec, en prime, les “recommandations”, dont on ignore la portée véritable mais qui entourent efficacement les prescriptions impératives. Le président de la République est partout, suivi ou précédé de son Premier ministre. Sa parole est écoutée comme elle ne l’a jamais été depuis le début de la Ve République. Il annonce les mesures qui dictent notre vie quotidienne, nos déplacements, nos sorties, nos réunions familiales, nos façons de travailler ou de ne pas pouvoir travailler, notre tenue dans la rue et dans les magasins, notre attitude à l’égard de nos proches.
Jamais dans notre histoire un pouvoir politique n’aura été aussi disciplinaire en même temps qu’autoritaire, bénéficiant d’une si large adhésion et d’une telle discipline de comportement. Richelieu disait que « les peuples ont l’esprit de suite » en ce sens qu’ils aiment faire ce qu’on leur dit de faire. La preuve est administrée que les comportements n’ont pas changé.
Dans ce gouvernement, l’exécutif a été secondé par les forces qui dépendent directement de lui : la police, l’armée, l’administration. Le pouvoir médiatique, qui n’est pas constitutionnellement organisé, a amplifié les conditions de cette soumission. Les quelques réfractaires sont marqués d’infamie, comme “complotistes”, voire déments à enfermer. La France est sur la voie de l’unanimisme dans la lutte contre le virus.
Parmi ces pouvoirs en voie d’augmentation, l’un a dépassé les deux autres, c’est le pouvoir judiciaire.
Quand les observateurs de la vie politique s’interrogent sur les raisons qui dictent les ordres donnés par le pouvoir exécutif, un motif dépasse tous les autres : la crainte de la sanction pénale. Il faut dire que la comparution devant un tribunal correctionnel d’un ancien président de la République et la sévérité des réquisitions prises à son encontre montrent que cette crainte est fondée.
La vigueur de la réaction du corps judiciaire aux velléités de réforme exprimées par le Garde des Sceaux confirme cette assurance en elle-même qui rend redoutable la plus ancienne institution de l’État.
Car les présidents et les ministres passent tandis que les magistrats demeurent. Que sont dix ou même quinze ans d’exercice du pouvoir – trois mandats ! – à côté des trente ou quarante ans de carrière d’un juge ? De surcroît la tradition n’existe pas à l’Élysée alors que l’esprit de corps anime les hommes en robe. Les présidents sont soumis à l’élection et, donc, aux humeurs de la foule qui, après avoir obéi, veut le changement et déteste, le lendemain, qui elle admirait ou supportait hier. Les juges, eux, sont affranchis de cette servitude. Ils ne répondent de leurs décisions que devant leur conscience, ce qui est le dernier mot de la liberté et, donc, de la véritable autorité.
Faut-il rêver d’un “gouvernement des juges” ? Notre histoire nous en a dit la malfaisance.
Le seul rêve sérieux, en ce début d’une nouvelle année, est celui d’une autorité politique qui, étant aussi libre et aussi vénérable que l’institution judiciaire, pourrait, avec elle, travailler au bien commun. Il n’est pas certain que les sentiments de l’opinion aillent dans ce sens mais, plus forts que les incertitudes des propos nombreux et ridicules, les faits conduisent les actes avec la force de la nécessité. Armée, police, justice et administration sont des bras toujours vivants qui demandent une tête.
Que le Ciel nous donne, en cette année nouvelle, de commencer à en apercevoir la venue ! C’est notre espérance politique !