Civilisation
Morts remarquables
Qui aurait cru que Jean d’Ormesson avait si bien réussi sa mort ?
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Les évangéliques connaissent une expansion mondiale étonnante. En y regardant de près, on est moins étonné : ils défendent une foi simple, une morale limpide, prêchent l’amour de Dieu et en tirent l’étonnante conclusion qu’ils doivent l’annoncer au monde entier, y compris les musulmans, pour que le monde en soit baigné.
Leurs lieux de culte sont accueillants, leurs homélies sont construites. On serait à deux doigts de les envier mais… C’est là que Guy Barret, qui s’est converti au catholicisme, est précieux : chrétien protestant, pratiquant l’Écriture, il est venu à l’Église en passant par-dessus les préventions que les protestants peuvent nourrir à son encontre pour y découvrir ce que la foi protestante, même chaleureuse comme celle des évangéliques, n’offre pas. Une tradition apostolique ininterrompue, une théologie qui dépasse le sola scriptura, une pratique des Écritures qui n’exclut personne (Guy Barret cite à ce propos le père Louis Bouyer lui-même ancien pasteur protestant), un canon biblique qui ne retranche pas le Livre de Judith ou celui de Tobie… Comme tout bon exercice d’apologie, l’auteur vise à démontrer les points qu’il sait être clivants mais réussit à enseigner le catholique lambda, qui n’a pas l’habitude de questionner ainsi sa foi mais la retrouve autrement éclairée, d’un autre angle, avec une lumière particulière : on découvre avec stupeur que ce qui paraît évident est en fait très débattu, et les rapides et denses chapitres de cette Lettre ouvrent des perspectives au catholique comme à l’évangélique. J’avoue avoir été particulièrement sensible à la défense du purgatoire, abomination catholique par excellence (même si des luthériens y croient, en douce) : l’auteur imagine qu’un protestant vole un vélo et, lorsque son pasteur lui suggère de le rendre, répond : « Jésus a tout expié à la croix, le péché et les conséquences du péché. » « Ce n’est pas Jésus qui va rendre le vélo ! » lui rétorque le pasteur. Je vous laisse découvrir la suite. Tout le catholicisme est ainsi balayé en fonction des objections protestantes, sans jamais accuser les évangéliques d’être de mauvaise foi mais, à chaque fois, avec un sens de l’accueil très évangélique, en montrant les beautés qui sont juste de l’autre côté, en offrant les richesses qui sont à la portée de tous.